Dans la plupart des pays, le statut social des transgenres est source de vifs débats. Mais au sud du Mexique, il existe une ville où des hommes aux allures de femme, appelés «muxes», sont traditionnellement intégrés, et même valorisés au sein de la famille.
A priori, ce n’est pas vraiment le type de contrées qu’on imagine à l’avant-garde de la défense des minorités sexuelles. Nous sommes au sud du Mexique, dans l’État de Oaxaca. Précisément dans la ville de Juchitan de Zaragoza, fief de l’ethnie des zapotèques.On y trouve, comme partout ailleurs, des hommes et des femmes… Mais aussi des muxes.
Ce terme, qui se prononce «mouché», dérive de l ‘espagnol mujer, pour femme. De fait, il s’agit de personnes nées avec un sexe masculin, et qui adoptent une allure féminine. Dans cette ville de 80 000 habitants, on compte plusieurs milliers de muxes.
Et ce n’est pas une conséquence de l’évolution récente des mœurs. Bien au contraire, l’existence de ce troisième genre s’inscrit dans une tradition qui remonte, dit-on, à l’époque précolombienne. Le muxe est au départ un garçon, qui généralement dès la petite l’enfance, adopte des manières féminines, par le maquillage ou les vêtements. Certains, minoritaires, choisissent cependant de porter des habits masculins, mais la plupart portent une sorte de chasuble dorée à la Frida Kahlo.
Les muxes d’Oaxaca
On les trouve partout dans la ville, où ils occupent des fonctions traditionnellement féminines : cuisine, coiffure, broderie… Ils sont parfaitement intégrés dans la société, et même superbement mis à l’honneur lors d’une grande fête annuelle, la «Vela de las Auténticas Intrépidas del Peligro Intrépidas», littéralement «Voile des authentiques intrépides chercheurs de danger».
Les muxes sont également très appréciés au sein de leur propre famille. Quand tous leurs enfants auront quitté le foyer pour vivre avec femme ou mari, le muxe est le seul qui restera pour s’occuper de ses vieux parents. Ce qui fait dire à l’anthropologue mexicaine Marinella Miano Borruso, dans une étude qu’elle a consacrée aux muxes [1], que «pour une mère zapotèque, avoir un enfant muxe représente une protection et un support moral, surtout quand elle reste seule et vieille, ou abandonnée par son mari». Cela dit, passer sa vie auprès ses parents n’est pas forcément enviable. Surtout question cul.
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1.Muxe et Femminielli: genre, sexe, sexualité et culture, Journal des Anthropologues, n° 124-125, 20112.