Le pilote revient au petit trot de la tour de contrôle sous une pluie battante. Après avoir grimpé d’un bond les marches de la passerelle, il annonce à la vingtaine de passagers à moitié endormis « Il y a de la brume, il y a une chance sur deux d’atterrir, on va le tenter ! » Une trentaine de minutes après ces paroles gaillardes, l’avion, vaincu par les vilains stratus, rentre à Gaspé la queue basse. « Ça arrive de temps en temps », commentent, philosophes, les habitués. Il faut attendre le lendemain pour que les îles, mieux disposées, se laissent enfin aborder. L’approche laisse entrevoir des anses tout en nacre verte avec des reflets de gorge d’oiseaux exotiques, des traînées de sable rougeâtre venues mourir dans des lagons turquoise, des dunes piquetées d’herbe tendre qui feraient l’envie de bien des parcours de golf. Mais le plus surprenant demeure cette silhouette générale d’hameçon tendu vers les mâchoires du large comme si pour survivre l’archipel n’avait d’autre choix que de mouiller des lignes et des casiers. Ici quand on a le mal de mer, il est conseillé de regagner le continent pour gagner sa vie. (…) A/R 36
Photographe : Christophe Migeon