Il pleut des cordes sur la forêt. Je suis cerné par les brumes, sur les pentes d’une montagne à 10 000 kilomètres de chez moi. Des hommes poussent des cris étranges. Ils sont nus. Je suis nu aussi. Et j’ai froid. J’ai tellement froid. J’ignore comment cette histoire va se terminer. La seule chose que je sais, c’est que l’épreuve la plus difficile est devant moi.
Tu diras oui sans savoir pourquoi
Pour comprendre comment j’en suis arrivé là, il faut remonter quelques semaines plus tôt. Tout a commencé par un mail de Fonovich-San, le vénérable rédacteur en chef de ce magazine. « Veux-tu partir en reportage chez les yamabushi ? ». « Oui », ai-je répondu du tac au tac, en allumant une cigarette, sans avoir la moindre idée de ce dont il me parlait. Après une enquête approfondie (sur Wikipedia) j’ai découvert que les yamabushi, « ceux qui se prosternent devant la montagne », formaient un ordre d’ermites montagnards suivant la voie du shugendo, une tradition mystique née au VIIIe siècle d’un syncrétisme entre bouddhisme, animisme shinto et chamanisme. Vu de loin, un mélange de moines shaolin et de gardiens de l’Office national des forêts. Vu de près, ce doit être un peu plus subtil que ça. Ma mission, puisque je l’ai acceptée, consistera à suivre leur processus d’initiation. Au programme : ascétisme et endurance. « Les forces de la nature et celles de votre corps vous montreront la voie, assure une vidéo de présentation. À l’issue de ce voyage, vous saurez qui vous êtes vraiment. »