Voilà presque 15 ans que le désert algérien est rayé de la carte touristique alors qu’il attirait chaque année des milliers de passionnés. Le ministère des affaires étrangères de la France lève enfin les restrictions et les visas sont disponibles à l’arrivée. Nous mettons le cap sur le Tassili n’Ajjer, au sud du pays, et dans le Grand Erg Occidental, au nord. Deux déserts, deux ambiances.
Le Tassili n’Ajjer

Un musée à ciel ouvert.
Après deux heures de route depuis Djanet, nous entrons dans le parc national du Tassili n’Ajjer : une forêt de pierres les pieds dans le sable que les éléments ont sculptés depuis des millions d’années. Vaste plateau de grès culminant à 2 000 m d’altitude qui s’étend sur plus de 138 000 km2, le Tassili n’Ajjer a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco, car il le vaut bien. C’est en effet « l’un des plus importants ensembles d’art rupestre préhistorique du monde, avec plus de 15 000 dessins et gravures ».
Ici, il y a plus de 8 000 ans, des hommes et des femmes ont vécu et ont consigné leur histoire sur les parois rocheuses. Ainsi peut-on voir des vaches qui pleurent, des femmes qui dansent, des scènes de chasse et un bestiaire plein de girafes, d’antilopes, de buffles, d’éléphants, de lions, d’autruches… « C’est un musée à ciel ouvert qui raconte la vie ici, quand c’était une savane, explique Kassem notre guide. Quand les montagnes étaient humides comme disent les Touaregs. » Cette vie a progressivement été grignotée par l’avancée du désert entamée il y a maintenant 7000 ans.


Le rendez-vous d’Essendilène.
Cela fait une heure que l’on marche à travers un petit canyon où poussent tamaris, acacias et lauriers roses lorsqu’on tombe sur un long plan d’eau contenu entre les parois de grès. Il s’agit d’une guelta, soit une retenue d’eau alimentée par une crue, une source ou une résurgence. Instant de fraicheur inattendu. Des oiseaux noir et blanc virevoltent au-dessus de nos têtes. Les Touaregs les appellent moula-moula et les considèrent comme des porte-bonheurs car ils annoncent la présence d’eau. Les ornithologues, de façon moins olé-olé, les nomment traquets à tête blanche.


Ihrir, un paradis sur terre.
Je ne sais pas quelle est votre vision du paradis sur terre, mais pour moi Ihrir en a tous les attributs. Une oasis luxuriante au creux d’une montagne rocheuse rougeoyante, un jardin luxuriant de dattes, de figues, de raisin et une vaste étendue d’eau qui se faufile dans le canyon. Un espace écologique précieux, considéré comme une « zone humide d’intérêt mondial » par la convention de Ramsar. Un site reconnu patrimoine mondial de l’Unesco et une baignade improbable au creux du désert.


Le Grand Erg Occidental

Sur la route des Ksour.
Le Grand Erg Occidental, c’est une mer de dunes à perte de vue qui vient buter au nord sur les montagnes de l’Atlas. Ici point de rochers, seulement une immense étendue de sable de 400 km de long et 200 km de large dont les dunes s’élèvent jusqu’à 300 m de hauteur. Une beauté sauvage qui émerveille. Faire l’expérience du désert, c’est souvent ressentir combien ce grand vide remplit. À ce propos, un proverbe touareg dit : « Dieu a créé des pays pleins d’eau pour que les hommes y vivent, et des déserts pour qu’ils y découvrent leur âme ».
« Le seul moyen de sauvegarder les ksour, c’est le tourisme ! »
En 1992, l’architecte Hacène Menouar a présenté à l’Unesco le dossier de candidature pour que les ksour de Taghit, Béni-Abbès et Khadra soient classés au patrimoine mondial. Un rejet et trente années plus tard, que sont les ksour devenus ?
Qu’appelle-t-on un ksar ?
C’est un village fortifié du XIIe s érigé sur les hauteurs avec à ses pieds une palmeraie. L’intérieur du ksar est un véritable dédale de ruelles ombragées où circule un courant d’air. Un étranger s’y perd.
Chaque maison est construite sur le même modèle ?
Oui. Une porte basse pour entrer en baissant la tête, un sas pour filtrer les entrées dans la maison, puis un salon réservé aux invités. Viennent ensuite les pièces réservées aux femmes et à la famille. Comme les maisons sont en terre, elles se dégradent sous le vent et la pluie. Il faut les rénover sans cesse. Avant il y avait la touiza, un système d’entraide entre voisins pour maintenir les murs.
Dans quel état sont les ksour aujourd’hui ?
Les habitants les abandonnent pour la clim, le micro-ondes… Tout ce qui fait le confort de la vie moderne. Une vingtaine de ksour sont toujours habités, mais ils ont tendance à se dégrader. Le gouvernement met peu de moyens dans la sauvegarde et notre échec à l’Unesco nous prive de subventions indispensables.
Un espoir ?
Le seul moyen de les sauvegarder c’est le tourisme. Des habitants réhabilitent leur maison pour en faire des maisons d’hôtes, des boutiques ou des petits musées. À Béni-Abbès des associations locales ont remonté une dizaine de maisons selon les méthodes ancestrales. Elles ont même rouvert une auberge. L’association Oueled el Waha, (Les enfants de l’oasis) organise des visites du ksar. Le soir l’ambiance est magique. Il y a des bougies partout et des matelas sont posés sur le sable pour dîner. Les repas sont préparés par les femmes de la communauté à tour de rôle.


Ermitage du père de Foucauld/Béni-Abbès.
Au sud du Grand Erg occidental, sur la rive gauche de la Saoura, Béni-Abbès est une belle oasis surnommée « l’oasis blanche ». C’est ici qu’en 1901, l’ermite Charles de Foucauld s’établit et fait construire un petit monastère dépouillé au pied de la ville. Aujourd’hui une toute petite communauté continue de faire vivre le lieu en vivant parmi la population locale.
Tee-shirt rouge et pantalon bleu, père Bernard descend de sa mobylette pour nous faire visiter la chapelle en argile : « C’est une performance d’avoir bâti 18 colonnes si hautes pour soutenir la toiture faite de troncs de palmiers. On le doit au savoir-faire des artisans de Béni-Abbès. Au fond il y a un tableau du Christ peint par Foucault lui-même. Il venait d’être ordonné prêtre quand il arrive ici. Il avait eu la médaille d’or de la Société de Géographie de Paris, suite à son exploration du Maroc. En bâtissant ce monastère de la Fraternité, il espérait que d’autres le rejoignent. Personne n’est venu. Alors il part plus au sud pour vivre avec les Touaregs, il a d’ailleurs fait le premier dictionnaire franco-touareg ! »
Une congrégation s’est installée finalement ici dans les années 50 mais aujourd’hui ils ne sont plus que trois frères d’un âge certain à perpétuer le vœu du fondateur, à savoir ; vivre en paix avec le voisinage. Un beau programme mais les candidats ne se bousculent pas aux portillons.


Visite de l’ermitage, la chapelle et le petit musée, tout simplement en toquant à la porte.
Pratique
En octobre 2022, une bonne partie du Grand Sud Algérien qui était classée rouge par le Quai d’Orsay est passée à l’orange. L’heure est à la relance du tourisme d’autant que l’Algérie a, de son côté simplifié la procédure de délivrance des visas pour les touristes se rendant dans cette région via une agence. Le visa peut être obtenu directement à l’aéroport de Djanet. Prix 110 € (gratuit pour les moins de 6 ans).


Y aller
En avion. Un vol hebdomadaire direct Paris-Djanet avec Air Algérie entre octobre et fin mars à partir de 400 €. Départ le samedi de Paris CDG à 22h00, arrivée à Djanet le lendemain à 01h50. Retour le dimanche à 02h50 de Djanet, arrivée à Roissy à 07h00. Pour Bechar, prendre un vol pour Alger suivi d’un vol domestique pour Bechar.
La meilleure période
Entre octobre et avril. Températures agréables le jour, fraîches la nuit.
Interdictions
Il est interdit en Algérie de prendre des jumelles et d’utiliser un drone sous peine de confiscation. Il est interdit aussi de ramener des fossiles ou des fragments de poteries trouvés dans le désert.
Avec qui
Agence S to S Travel. Basée à Alger, cette agence propose des voyages sur mesure et des circuits accompagnés avec d’excellents guides francophones qui se mettent en quatre pour rendre votre voyage inoubliable. Spécialiste du Grand Sud Algérien, elle met sa logistique au service d’expériences originales pour combiner 4X4, treks et découvertes culturelles. Des bivouacs dans les meilleurs endroits, des rencontres avec des habitants, des déjeuners et des diners dans des lieux insolites, des activités hors de sentiers battus…Adepte d’un tourisme durable, l’agence implique les populations locales. Elle soutient financièrement des associations engagées pour la préservation du patrimoine et le savoir-faire des femmes.
Vision Ethique. Agence pionnière du tourisme responsable, elle concocte depuis 2007 avec ses partenaires locaux des itinéraires originaux et insolites alliant découvertes culturelles et rencontres avec les habitants. Elle intègre la contribution carbone des vols internationaux pour la reverser directement à des projets locaux qui luttent contre le dérèglement climatique et pour améliorer les conditions de vie des citoyens. En réservant un voyage en Algérie, vous soutenez l’association Ouaroutout pour la restauration des Ksour et l’association des femmes de Djanet pour promouvoir leurs produits artisanaux.
Pour préparer ses randos dans le désert. https://www.i-trekkings.net/
Cet article est à retrouver dans le AR65, disponible en kiosque et sur notre boutique.