Equateur – Chagras et vaches maigres

Les becs entrouverts cherchent à crever les yeux, les crêtes rouge vif flageolent de fureur tandis que dans le froissement des ailes, les pattes tentent d’étriper l’adversaire d’un coup d’ergot bien senti. Ce matin, nos volailles semblent de fort méchante humeur. Savent-elles seulement pourquoi ? Les plumes encore ébouriffées par l’indignation, les deux adversaires sont séparés par leurs propriétaires. Aujourd’hui, ce n’est que l’entraînement, la prochaine fois, lors du vrai combat, les rasoirs fixés aux ongles feront jaillir le sang. Tous les dimanches sur le marché des petits animaux de Machachi, les propriétaires de coq exhibent leurs champions, les confrontent pour tester leur agressivité et sélectionnent les plus teigneux. Angel Ribeira en a plus de 200, mais gagne vraiment sa vie avec sept d’entre eux. Il lui arrive de miser 500 dollars sur un combat. Pour l’heure, il dorlote un petit jeune prometteur dont il a plumé les cuisses « pour mieux observer le développement des muscles ». Ces gladiateurs de basse-cour tombent bien au champ d’honneur de temps en temps, mais un bon guerrier peut rester 5 ou 6 ans dans la compétition. Mieux vaut sans doute finir en beauté dans l’arène qu’en pilons panés chez KFC… Tout autour, des Indiennes aux jupailles chamarrées montent la garde auprès de cages et de paniers remplis de poules étranges, de lapins grassouillets et des inévitables cochons d’Inde. Dans ces contrées où les soupes contiennent souvent plus d’eau que de gras, les cuys ― prononcer « couille » sans arrière-pensée ― ont toujours apporté un lot non négligeable de protéines. La viande, moins riche que le porc, rappelle le lapin gélatineux, mais il y a quand même peu à grignoter sur la bête. Il faut une patience d’amateur de crustacés pour venir à bout de l’interminable collection de petits os. (…)

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Photo: Christophe Migeon
Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Christophe Migeon
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