La Basse-Californie est un long doigt de désert pointé entre Mer de Cortez et Pacifique sur un grand néant de bleu. C’est un Mexique inattendu avec des sierras piquetées de cactus géants, des cow-boys avec de vraies moustaches et des éperons qui piquent, et puis une côte qui enchaîne les lagons d’eau turquoise et les îlots couverts de fientes de pélican. Sur l’un d’eux, les otaries accueillent les plongeurs dans un barouf de foire agricole et leur autorisent quelques familiarités sous-marines.
Les branches mordues par les flammes claquent comme un coup de fusil. Un hurlement de chacal vient déchirer le noir de la nuit et les bottes de cuir rapprochent du feu de camp leurs semelles fatiguées. Les rancheros ont retiré leurs éperons, mais ont gardé leurs chapeaux. Dans cette délicieuse ambiance « Marlboro country », qui suscite d’ailleurs une irrépressible envie de fumer, Don Rosario, 5 ou 6e génération d’éleveur dans la sierra de la Giganta, se lance dans une histoire qu’il assure être vraie : il y a quelques années, il y avait un type qui abordait les campeurs isolés en prétendant s’être égaré. Il partageait leur repas, se couchait auprès du feu et une fois ses hôtes endormis, les estourbissait à grands coups de bâton avant de boire leur sang. Les aseguro que es verdad ! « Je vous assure que c’est la vérité », insiste Esteban, son visage couleur de pain cuit virant au rouge à la lueur des flammes. (…)