Le musée national des Indiens d’Amérique fête ses 20 ans. Près du Capitole de Washington DC, plus de 250 artistes, sportifs et chefs cuisiniers, représentant 60 peuples autochtones, affichent la vitalité de leurs cultures. AR y était !
Lorsqu’elle bondit sur scène, sous un soleil cuisant, guitare acoustique à la main, avec une énergie rebelle et débonnaire, le public s’enflamme, touché autant par le cri de sa révolte que par sa joie explosive. « Comme mes grands-mères, avec leur âme de guerrière, comme la terre, j’ai la peau brune. Je suis une femme indigène, petite-fille de la lune, c’est ma force », chante Sara Curruchich. Jeune artiste Maya, originaire du Guatemala, elle est alors face au siège du pouvoir législatif américain.
Première artiste autochtone à faire résonner, au niveau international, la voix de son peuple, en espagnol et en kaqchikel, sa langue maternelle, elle revendique la singulière beauté de son identité. Dans un mélange de sonorités traditionnelles, rock, pop et folk, ses concerts rendent hommage à ses ancêtres. À ses racines, aux combats de ses pairs contre les violences et le racisme, et à la puissance des femmes qui puisent dans l’espérance la force de leur résilience. Son répertoire poétique et engagé donne le frisson.
Compositrice et interprète passionnée, Sara Curruchich est l’une des deux cent cinquante autochtones invités pour le 20e anniversaire du National Museum of the American Indian fin juin 2024.
Un été aux couleurs amérindiennes
« Chaque jour que nous célébrons par la danse, le chant et la prière, nous renforçons ces liens, que les politiques d’assimilation ont essayé de briser, entre les peuples natifs. C’est cela que nous sommes en train d’accomplir ici même, cette année. Avec le Folklife Festival qui met à l’honneur les voix autochtones des Amériques », a déclaré Deb Haaland, membre de la Nation Laguna Pueblo et Secrétaire d’Etat à l’intérieur, lors de l’ouverture des festivités.
Du 26 juin au 1er juillet 2024, les expressions culturelles des peuples premiers sont célébrées dans un mélange de couleurs, de saveurs et de spiritualités. Celui-ci fait vibrer l’esplanade verdoyante du National Mall. Cinquante activités de qualité sont chaque jour offertes dans la gratuité. Sportifs, danseurs, chanteurs de rap, artisans traditionnels, conteurs, artistes-peintres, intellectuels et chefs cuisiniers… Ils se produisent à l’extérieur et à l’intérieur du musée. Pour le plus grand bonheur d’un public nombreux et enthousiaste, envahi par des émotions nouvelles.
« Le skate m’a enseigné la persévérance »
Devant le stand des skateboardeuses. Esteffany Morales range sa planche pour faire une pause. Toute la journée, la jeune bolivienne réalise des démonstrations avec ses copines quechuas et aymaras du groupe Imillaskate, sur la rampe mise à disposition.
Elle est vêtue d’une pollera, jupe plissée traditionnelle de couleur vive et d’un chapeau blanc qui couvre ses longues tresses. La graphiste de 26 ans m’explique qu’elle pratique le skate depuis sept ans. « Ce sport m’a aidé à prendre confiance en moi. Il m’a donné de la force mentale, m’a enseigné la persévérance et surtout il me procure beaucoup de joie. Notre groupe de filles s’est formé il y a cinq ans afin de briser les stéréotypes contre les femmes autochtones. Nous voulions aussi montrer que nous étions capables de participer à un sport de compétition. Nous souhaitons partager avec les enfants ce plaisir de faire du skate et nous organisons des ateliers gratuits pour tous. »
Traditions et transmission
Sur le stand Foodways, la cheffe Nico Albert Williams, membre de la Nation cherokee, prépare un pain de maïs aux haricots. « Cette recette est très ancienne. Elle date d’il y a au moins 10 000 ans. Gayu signifie pain et Tuya signifie haricot. Il s’agit d’un pain de maïs cuit avec des haricots à l’intérieur. »
Pendant ce temps, dans l’atrium du National Museum of the American Indians construit tout en rondeur, le groupe Zuni Olla Maidens s’apprêtent à se produire. La température y est bien plus fraîche qu’à l’extérieur où la chaleur se répand dans la moiteur. « Nous aimerions commencer par vous chanter un chant de bénédiction qui est aussi un chant pour faire venir la pluie, explique la manager de la troupe. La pluie est une bénédiction quand on vit dans une région semi-désertique. »
Le port altier prolongé par une poterie concave dressée au sommet de leur crâne, les femmes exécutent des mouvements rituels avec grâce. Près du totem réalisé par un artiste Tsimshian, Dennis Zotigh se laisse absorber par le spectacle. Descendant de deux grands chefs de guerre kiowas et auteur d’une série de 200 articles sur les visages de l’Amérique amérindienne, ce spécialiste des cultures officiait comme modérateur lors de l’inauguration du musée. Un gigantesque pow-wow réunissant plus de 25000 personnes du Nord au Sud du continent avait été organisé pour l’occasion.
Alors grand reporter au National Geographic, j’avais eu la chance de couvrir cet événement unique en son genre avec le photographe Nicolas Reynard, peu de temps avant son décès…
De l’Arctique à Hawaï
De l’Arctique à Hawaï, en passant par les Andes et l’Amazonie, le musée et ses environs vibrent de milliers de courant de vie. Dans le grand amphithéâtre situé près de la cafétéria Mitsitam, la troupe matrilinéaire Hālau o Kekuhi enchante les spectateurs par son hula. Cette performance illustre l’intégrité des traditions culturelles hawaïennes. Le hula exige des connaissances en langue hawaïenne, en généalogie et en histoire, des connaissances environnementales. Mais aussi, un protocole lié à la collecte de plantes, ainsi qu’une expertise en philosophie et en spiritualité.
Par leur créativité et leur talent, les peuples autochtones prouvent tout au long de cette semaine au coeur de la capitale américaine, qu’ils sont toujours là, malgré l’oppression, les spoliations et les massacres. Leur hymne à l’amour, à la vie, et à l’unité, nous enrichissent au-delà des mots.
Pratique
Voyager
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Se loger
A/C Hotel Washington DC Capitol Hill Navy Yard. Idéalement situé à 20 minutes à pied des musées de la Smithsonian Institution.
Se restaurer
Mistitam Café, au coeur du National Museum of the American Indians. Il permet une immersion dans les cultures culinaires des peuples autochtones issus de différentes régions d’Amérique du Nord.