Les Gastlosen, les « Inhospitalières »
Ça promet, mais Cyrille Cantin, notre guide, se veut rassurant : « Nous allons contourner nos petites Dolomites, comme on aime appeler les Gastlosen, une barre calcaire, longue d’une douzaine de kilomètres et haute de 400 m. À un endroit, vous verrez, la paroi est percée. C’est le Grossmutterloch (le trou de la grand-mère). Selon la légende, un jour que sa grand-mère le tannait, le diable l’a lancée de toutes ses forces contre la montagne. Ça a fait un trou. » En attendant de constater les dégâts diaboliques, on débute en longeant la cascade de Jaun. « On ne connaît pas son chemin sous la roche, mais c’est un haut lieu énergique en Suisse, un centre tellurique où l’on vient se charger en énergie positive, explique Cyrille. On dit que si l’on vient ici chaque jour, on peut vivre jusqu’à 200 ans. » Est-ce que ça marche si on en profite pour manger chaque jour des meringues trempées dans la double crème ? Pas sûr.
Plus de 800 voies d’alpinisme
Avec ce doute à l’esprit, on plonge dans une forêt touffue pour déboucher une bonne heure plus tard, sur des champs bariolés. En fin botaniste, Cyrille énumère chacune des plantes qui tapissent les pentes : « centaurées des Alpes, ancolies, marguerites, fleurs de pissenlit, myosotis, gentianes des neiges…, un champ en bonne santé devrait avoir au moins sept couleurs. » Commence alors une tranquille marche d’approche jusqu’aux Gastlosen dont la découpe dans le ciel évoque la mâchoire d’un T-Rex. Pas de quoi effrayer les alpinistes qui ont trouvé ici un superbe terrain de jeu : plus de 800 voies, dont la plus ardue porte le doux nom de « Torture physique ». Nous nous contentons du raidillon qui mène au Wolfs Ort, le col du Loup.
Petite pause pour reprendre notre souffle et contempler le panorama sur les Alpes. À en croire le panneau, nous atteindrons dans trente minutes le Chalet du Soldat à 1752 m. C’est pas trop tôt, car la journée touche à sa fin. Construit dans les années 40 pour servir à l’entraînement des patrouilles alpines, il n’accueille plus de soldats depuis longtemps déjà. Depuis la terrasse, le spectacle du coucher de soleil enflammant les montagnes est sublime. Pour l’accompagner, on se prend à rêver d’un verre de fendant, d’une fondue moitié-moitié (gruyère et vacherin fribourgeois) et d’une meringue avec sa double crème et quand ils arrivent comme par miracle, on se dit que ces Gastlosen portent bien mal leur nom, car elles sont vraiment hospitalières.
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