Ethnologue et documentariste, spécialiste des peuples de l’Himalaya, Marianne Chaud a rencontré dans sa ville de Briançon les migrants qui traversent à pied les Alpes. Ainsi est né le film L’Aventure. Présenté au dernier Festival international film et livre d’aventure de La Rochelle, il a reçu le prix du Jury et du Public.
Pourquoi ce titre «L’Aventure» ?
En tournant je me suis aperçue que les Africains de l’Ouest pour décrire le fait de quitter leur pays et d’aller très loin pour trouver une vie meilleure, disent: «J’ai un copain qui a fait l’aventure, on est plusieurs à avoir fait l’aventure.» Alors j’ai repris cette expression. Nous les voyons comme des victimes en détresse, mais ce n’est pas la vision qu’ils ont d’eux-mêmes. Ils se vivent comme des gens braves et courageux qui se tirent de situations difficiles. Ils sont des héros en fait.
Qui est Mamadou, le personnage principal du film ?
Mamadou est malien, l’un des premiers à être arrivé à Briançon où j’habite. Il a tenté de passer par le col de l’Échelle une nuit d’hiver, mais il est resté coincé. Résultat: deux pieds gelés et amputés. La brutalité du monde arrivait dans notre hameau de paix. À la suite, des maraudes ont été organisées dans les montagnes pour venir au secours des migrants en détresse. Aujourd’hui, il va bien. Chef cuisinier dans un resto de la ville, il s’est marié, a eu deux enfants et marche avec des prothèses.
Tu filmes au plus près. Comment les migrants ont-ils accepté la caméra ?
Beaucoup refusaient d’être filmés au refuge solidaire de Briançon où ils arrivaient pour se reposer et trouver une destination. Tout lien de confiance se brise au cours de leur terrible périple. Ceux qui ont accepté de témoigner devant la caméra ont vécu quelque chose de cathartique. Ils se sont livrés de manière profonde. Mamadou a voulu être filmé pour que son parcours puisse faire réfléchir.
Retrouvez Marianne Chaud dans notre dernier podcast Aller-Retour
Entretien par Sandrine Mercier