Aventures à la noix aux Îles Cook - A/R Magazine voyageur 2017 © side78 - Flickr Creative Commons

Histoires à la noix aux îles Cook, confetti perdu du Pacifique

Arrivée aux Îles Cook, confetti perdu dans le Pacifique

Je suis, paraît-il, le premier journaliste français à leur rendre visite, tout le monde connaît déjà mon nom sur l’île. J’ai débarqué sur ce confetti perdu dans le Pacifique après une escale à Los Angeles. Le contraste est sidéral. La mégalopole est impitoyable pour qui n’a pas de voiture. Ici, le piéton est prioritaire… À mon arrivée à Rarotonga, l’île principale de l’archipel, j’ai aussitôt pris un avion à hélices pour Aitutaki, un atoll édénique, réputé pour son lagon, le plus beau du monde — il dépasse celui de Bora Bora en somptuosité. Sur les îles Cook, le bleu domine tout, avec une quantité inouïe de dégradés : ciel, nuit, cyan, turquoise, saphir, translucide… Aucune photo ne peut rendre cette palette.

Jouer aux Robinson sur une île déserte

Mon hôtel était situé sur un motu (îlot de corail) privé. Je voyais le lagon partout, y compris de ma salle de bain, grâce à une savante architecture ouverte sur l’horizon. Seul bémol au paradis, comme je le redoutais : le Aitutaki Resort étant spécialisé dans les lunes de miel, la clientèle est exclusivement composée de jeunes couples. Ça roucoule et ça glousse. Pour un voyageur solitaire, c’est insupportable. Les jeunes mariés sont autistes, ils ne cherchent surtout pas les rencontres. Ils se contentent d’amour et d’eau fraîche, en l’occurrence celle de la piscine. Quitte à être seul, autant jouer les Robinson sur cette île inconnue et pour cause. Sur Atiu, l’eau potable est une denrée rare et il n’y a qu’une seule plage praticable, mais quelle plage ! La plus belle des poubelles. Dans le sable, je ramasse, par ordre d’apparition : une coquille d’oursin, mauve. Une arrête géante de requin. Un crabe dont seules subsistent les pattes, bleues. On se croirait dans la Polynésie polychrome de Gauguin — celle d’avant la pollution. Les rares étrangers se retrouvent à Atiu’s Villas, chaleureuse pension au parfum britannique. Un havre de paix, en bordure de forêt. Avec des bungalows pourvus de l’essentiel, une moustiquaire.

Noix de coco et accident à la noix

À Atiu, les occupations se comptent sur les doigts d’une main : grotte sacrée, plage historique (où le capitaine Cook n’a jamais mis les pieds, ayant envoyé son second) et surtout observation des oiseaux avec Birdman George, l’homme qui sait débusquer le kopeka, un mystérieux volatile qui se prend pour une chauve-souris et dont le sonar imite le bruit des castagnettes. Pour poursuivre mon exploration, la charmante Jacky m’a prêté un scooter Suzuki. Elle a juste oublié de préciser un détail. Les pistes intérieures de l’île ne sont pas carrossables. Je n’avais pas conduit de motocyclette depuis au moins vingt ans. Mais c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Au volant de mon petit bolide japonais, je me sentais libre comme l’air. Rajeuni. J’en ai perdu toute conscience du danger. J’ai accéléré dans une côte, pour prendre de l’élan. J’aurais dû me douter que pierres, ornières et branches de palmiers allaient me poser un problème. La roue avant a heurté une noix de coco, le scooter a glissé sur plusieurs mètres et je me suis vautré dans la boue. Un accident à la noix. Ecchymoses, guidon tordu, vêtements déchirés, je suis rentré à pied. Le pays des piétons, je vous disais.

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Écrit par
Tristan Savin

Tristan Savin, écrivain bourlingueur, s’amuse à dénicher les lieux improbables. Son dernier livre : Les trous du cul
du monde (Arthaud, 2016)

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