Émergeant des profondeurs bleutées familières, l’apnéiste Guillaume Néry quadruple champion du monde, a repris son souffle pour écrire Nature aquatique, sorte de petit traité de philosophie en palmes qui en questionnant notre rapport au monde, prône un mode de vie plus écologique. Petite plongée en sa compagnie.
Le Grand Bleu est le film d’une génération, celui qui a popularisé l’apnée, cependant vous ne l’appréciez pas vraiment. Pourquoi ?
C’est un film extraordinaire, qui a lancé le mouvement de l’apnée moderne, mais qui ne correspond pas à la réalité, du moins celle d’aujourd’hui. Les personnages sont des fous furieux prêts à tout pour leur passion, jusqu’à en perdre la vie. Ainsi, les spectateurs ont pu penser que l’apnée était réservée à des super-héros solitaires et ne pensant qu’à s’affronter. Or, moi, j’essaie de démontrer le contraire. Quand on plonge, l’esprit d’entraide est primordial.
Plonger, c’est philosopher ?
C’est envisager un autre rapport au monde qui nous entoure. Adolescent à Nice, je ne me sentais pas à l’aise dans une société très individualiste, accro à la vitesse, se détachant de la nature pour la dominer et prônant le risque zéro. C’est pour ça que j’ai commencé à plonger, car l’apnée est une discipline basée sur l’entraide et le collectif. Aussi, quand j’arrête de respirer pour aller sous l’eau, je reviens à l’essence de la vie. L’apnée c’est la simplicité à l’état pur : on prend une respiration et on descend. Pour être performant, il faut être dans la sobriété, dans l’économie de mouvement. Je suis obligé de tout ralentir : les pensées, les mouvements, la gestuelle, sinon je consomme trop d’énergie. Cette discipline va à l’opposé de la marche du monde. Ça ne veut pas dire que je suis un marginal, mais j’habite mieux le monde avec ces valeurs-là.
Plonger semble un très bon moyen de voyager, mais as-tu le temps de découvrir le côté terre ?
Oui, je suis un Terrien aussi. J’ai des souvenirs très forts par exemple à Okinawa au sud du Japon où j’ai plongé sur une formation naturelle, Yonaguni, qui a des allures de cité engloutie. C’est l’une de mes expériences les plus fortes parce que l’eau est tellement claire qu’elle se fait oublier. J’avais l’impression de voler dans les airs. Après je suis allé au nord à Hokkaido. Sous la neige, j’ai vu les ours pêcher des saumons dans la rivière d’un parc national. Il y avait là, toute la puissance de la nature brute.
L’océan, c’est aussi un espace de création pour vous ?
Complètement. Ça fait une dizaine d’années que l’océan m’inspire. J’ai envie de partager, ce qu’il y a dessous, de raconter et essayer d’avoir une vision poétique de cet univers-là. Je le fais au travers de films, de photos et de textes. La vidéo One breath Around The World a fait plus de 50 millions de vues au total.
On apprend dans ton livre que tu t’installes quelques mois chaque année à Moorea en Polynésie. C’est comment la vie là-bas ?
C’est une vie au plus proche de l’océan, de la nature, une vie simple et sans artifices. Je nage, je plonge tous les jours sans objectif de performance. Là-bas, j’ai la sensation de retrouver un grand souffle.
Retrouvez également l’entretien complet au format podcast
Plus d’informations : Nature aquatique paru chez Arthaud
Photographe : Franck Ferville