Qu’on se le dise, le département de la Corrèze devrait s’appeler Vézère. C’est elle, en effet, qui traverse tout le territoire avant de recevoir la rivière Corrèze. Suivons là au fil de l’eau car elle réserve bien des aventures et des rencontres inattendues.
Une rivière servie sur un plateau
Comme tout cours d’eau qui se respecte, la Vézère voit le jour en montagne. Enfin, c’est peut-être un bien grand mot pour désigner le plateau de Millevaches, ce modeste altiplano limousin qui vagabonde du sud de la Creuse à la Corrèze entre 500 et presque 1 000 m.
Variéras, du chaume sur la tête
Aujourd’hui, Variéras affiche 78 bâtiments coiffés de chaume, égaillés sur une demi-douzaine de parcelles acquises par Maurice Gorsse au fil des ans. Une image bucolique qui évoquera pour certains l’irréductible petit village gaulois d’Astérix. La paille de seigle a été avantageusement remplacée par le roseau de Camargue, bien plus costaud et plus facile à travailler nous raconte Denis. « Mon père a commencé le village, moi, je compte le terminer. Il ne reste plus que 6 ou 7 maisons à construire, après il n’y aura plus de terrain. Je pourrai mourir tranquille.« .
Meyrignac ou les mémoires d’une jeune polissonne
Vers 1870, Ernest de Beauvoir agrandit le domaine familial non loin d’Uzerche et réalise avec le concours de jardiniers du Jardin des Plantes ce parc paysager rempli d’espèces exotiques, hêtre à feuille de fougères, tulipier de Virginie… La petite Simone vient chaque année passer l’été chez ce grand-père adoré, qui ne la contraint jamais. Un apprentissage de la liberté loin des règles amidonnées de ses bourgeois de parents… mais aussi l’apprentissage de sa propre autorité.
Cette bûcheuse hors norme, finit par passer l’agrégation de philosophie, et obtient la seconde place du premier coup derrière un certain Jean-Paul Sartre qui lui se présentait pour la deuxième fois. Et c’est ici à Meyrignac que le castor découvre l’amour d’après le petit cousin « Elle y avait appris la vie en regardant les chiens, les cochons. Et avec Sartre, ils partaient pour de longues promenades dans la campagne et revenaient tard. » Dans Mémoires d’une jeune fille rangée, elle écrit : « Partout dans l’eau verte des pêcheries, dans la houle des prairies, sous les fougères qui coupent, au creux des taillis se cachaient des trésors que je brûlais de découvrir. » Tu m’étonnes Simone !
Parc paysager de Meyrignac. Ouvert le 1er we de juin (lors des « Rendez-vous aux jardins ») et les journées du patrimoine.
Vacherie de pistils
Au départ, il y a l’idée de redonner vie à une ferme en ruine perdue du côté d’Estivaux, non loin des gorges de la Vézère. Emmanuelle était prothésiste dentaire ; à elle la culture du safran qui a le mérite de ne nécessiter aucune grosse machine agricole. Laurent est toujours vétérinaire de campagne ; à lui l’élevage de vaches Highlands, une race rustique capable de vivre dehors en permanence, quelle que soit la météo. Et la recette semble fonctionner car ici les bestiaux ne sont pas vendus pour la viande, mais comme animaux de compagnie. Pour Emmanuelle la culture de safran demeure une école de patience. Il faut 220 fleurs pour faire 1 gramme de safran !
Safran de la Vézère, Lieu-dit Bounaix, 19410 Estivaux
Vente de safran et de produits transformés à la boutique.
Colette en ses jardins
En 1911 Colette tombe amoureuse d’Henry de Jouvenel, un des patrons du journal Le Matin. Elle l’épouse et le suit chaque été pendant douze ans dans son château de Castel-Novel près de Varetz. Pour rendre hommage à l’écrivaine qui aimait tant les bêtes et la nature, un parc floral de 5 ha a été créé à un jet de pierre de la bâtisse, six tableaux-paysages évoquant les régions où elle vécut tout au long de sa vie tumultueuse. Ne reste plus qu’à prendre sous le bras un de ses romans – on ne saurait trop conseiller « La chatte », « Sido » ou « Dialogues de bêtes » voire la série des « Claudine » — et disparaître dans les inextricables allées du labyrinthe en forme de papillon géant, clin d’œil à sa grande collection de lépidoptères.
www.lesjardinsdecolette.com Entrée : 9,50 €.
Au Sud, il y avait les torons
Sept kilomètres après avoir digéré la Corrèze, la Vézère s’esquive en Dordogne. L’atelier de la corderie Palus étale son interminable toit à 400 mètres à peine de la rivière. C’est Stéphane Assolari, qui a racheté le lieu séduit par l’idée de perpétuer un patrimoine unique alors sur le point de disparaître. « Palus est la toute dernière corderie traditionnelle au long. Quand je l’ai reprise, le savoir-faire n’était détenu que par une seule personne qui avait près de 40 ans de maison. »
Sous l’immense hangar de 280 m de long, les fils ne sont pas à la noce. Tordus, retordus, torsadés, tortillés jusqu’au trognon, avant d’être encollés et de devenir torons eux-mêmes enroulés en hélice pour enfin faire une corde. À vous donner le tournis. Et quand on travaille chez Palus, mieux vaut aimer la marche à pied. Les employés font chaque jour entre 10 et 15 km le long des torons en gestation ! Stéphane Assolari s’est démené ces dernières années pour développer d’anciens marchés et en créer de nouveaux : jardinerie, élevage, décoration, loisirs créatifs, sport… en mettant l’accent sur les fibres naturelles comme le lin, le sisal ou le chanvre. Palus tient toujours la corde.
Corderie de palus, 620 Avenue Alexis Jaubert, 19600 Saint-Pantaléon-de-Larche
PRATIQUE
Y aller
Rien de tel que le train pour rejoindre la Corrèze depuis Paris : 4h30 environ entre Paris Austerlitz et Brive-la-Gaillarde. Arrêt possible à Uzerche. En prime vous longerez les gorges de la Vézère 45 minutes avant d’arriver à Brive.
Dormir
Prieuré de la Côte, Saint-Merd-les-Oussines. Stéphanie et Franck, respectivement anthropologue et ostéopathe, ont quitté la Vendée pour « s’encorrézer » sur le plateau de Millevaches. Faites l’expérience de leur gîte 10 personnes tout équipé – aussi appelé « l’incubateur de changement » — et reconnectez-vous à l’essentiel. 90 € la nuit, 120 € en haute saison. Tél. : 06 08 96 82 51.
Hôtel Joyet de Maubec, Uzerche. 11 chambres à partir de 99 € la nuit hors-saison.
Château de Castel Novel, Varetz. 36 chambres au total dont 10 dans le château, à partir de 105 €. Menus du soir 41 et 55 €.
Manger
L’Auberge du Mont-Chauvet, Saint-Merd-les-Oussines. Un bon petit resto à l’ancienne avec un menu déjeuner très raisonnable à 15 €. Tél. : 05 55 95 56 14
À faire, à voir
La via ferrata du Saillant. En surplomb des gorges de la Vézère, vers le site de la Roche. Ouverte au public, mais réservée aux initiés, pas d’accompagnement possible. Baudriers et casques obligatoires. 8 blocs au total, à réaliser en 1h30-2h. Pour tout autre activité nature, VTT, canoë-kayak, escalade, tir à l’arc, contactez la base de loisirs du Saillant.
Le site de la Papeterie, Uzerche. Une friche industrielle réhabilitée dans les années 2010, sur les rives de la Vézère. Salle de spectacle, auditorium et espace dédié au street-art (entrée libre).
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