Mars 1950. Un Indien découvre par miracle au cœur de la jungle guyanaise le carnet de bord de Raymond Maufrais, un intrépide explorateur de 23 ans parti seul quelques mois plus tôt à la recherche des hommes primitifs, loin de la civilisation qu’il exècre. Les dernières lignes écrites à l’attention de ses parents datent du 13 janvier. On n’a jamais retrouvé Raymond Maufrais, mais son carnet est devenu un livre : Aventures en Guyane. Tombant dessus par hasard dans une librairie 68 ans plus tard, Eliott Schonfeld, lui-même jeune et intrépide explorateur, décide sur-le-champ de mettre ses pas dans ceux de Raymond Maufrais dans le but de parachever le rêve fou de son alter ego. L’époque a changé, mais pas la forêt. Surtout ne pas la sous-estimer sous peine d’y laisser la peau. Eliott Schonfeld a sauvé la sienne au terme d’une traversée d’ouest en est de la Guyane française, mais il s’en est fallu de peu.
On ouvre le livre à la page 59
Lundi 12 août
Mes mains sont dans un sale état. Merde, j’aurais dû faire plus attention hier. Est-ce que je vais pouvoir pagayer dans cet état ? Jour de repos ? Non, non, je m’y refuse, je veux en finir ! Je désinfecte les blessures et mets des compresses. Ça fera coussinets. Je saisis ensuite la rame et, avec mon couteau, j’affine le manche pour qu’il soit plus confortable. Avec ça, mes mains devraient supporter la journée. J’avale le reste de pâtes d’hier et j’embarque.
J’ai l’impression que c’est de pire en pire, la rivière est en permanence encombrée. Chaque mètre impose un acharnement infernal. Parfois, devant une muraille de végétation je me dis que c’est fini, que tout s’arrête ici. Et puis à force de patience, je parviens à me frayer un chemin, en arrachant tout à la seule force de mes mains.
« J’ai choisi d’être ici, j’ai choisi de vivre en sauvage et l’idée de rebrousser chemin ne me traverse plus l’esprit »
Parfois, je dois passer allongé, tapi au fond de ma pirogue, étouffé par les branches. D’autres fois, je plonge à contrecœur dans cette eau perfide parsemée d’une mousse répugnante, nageant au milieu des lianes, tentant de créer un passage à travers la croûte stagnante de détritus retenus par les racines.
Le plus terrible, c’est qu’on ne peut jamais vraiment crier victoire, car sitôt un obstacle passé, un autre arrive quelques mètres plus loin. Point de répit alors je continue. (…)