A une heure de Paris, dans le Val d’Oise, cette abbaye royale fondée par Saint Louis au XIIIème siècle continue d’inventer. Une nouvelle exposition végétale « Des Arbres & des Hommes » explore le lien des hommes et des femmes du Moyen Age avec les arbres.
L’abbaye de Royaumont sait se faire désirer… Lorsqu’on passe sa grille, elle joue à cache-cache derrière une foisonnante allée de marronniers centenaires. Une cinquantaine de pas plus loin, elle ne se dévoile encore que partiellement, sous la forme d’un reflet voguant sur un grand bassin circulaire, un « miroir d’eau » parfaitement instagramable, à croire que les religieuses qui ont aménagé le parc avaient prévu l’avènement des réseaux sociaux. Finalement, ce n’est qu’après une longue traversée de jardins peuplés d’oies et de perruches qu’on atteint vraiment les bâtiments.
Merci qui ? Merci Saint Louis !
Bâtie au début du treizième siècle, à la demande de Saint Louis, l’abbaye a des dimensions royales. La Révolution lui a arraché une aile : son église a disparu. Mais les morceaux de colonne laissés au sol donnent une idée assez claire de sa taille extravagante. À côté, un cloître imposant et des cuisines gargantuesques laissent entendre que l’ensemble a dû coûter bonbon au tout jeune Louis IX, à peine âgé de 14 ans au moment de la construction. Le clou de la visite est le réfectoire des moines, une salle de la taille d’un hangar de l’Aérospatiale. Avec ses colonnes démesurées, ses vitraux bleutés et sa coquette chaire du lecteur, il a un charme fou.
Les 1001 vies
Tout au long de son histoire, l’abbaye a connu mille réincarnations. Royaumont a en effet vite regretté la disparition de Saint Louis. La guerre de Cent Ans est passée par là. Puis François 1er a décidé qu’il nommerait lui-même les abbés, en les choisissant parmi ses proches. Fin, pour ce monastère, de l’une des premières expériences de démocratie de l’histoire occidentale : jusque-là, c’étaient les moines qui élisaient l’abbé. À la Révolution, il n’en restait plus guère, d’ailleurs, de moines. L’abbaye a été rachetée par un petit marquis qui l’a transformée en usine textile. Mais les modes changent et parfois les affaires s’affaissent.
Vers la fin du dix-neuvième siècle, grand retour des religieux qui, entre-temps, avaient changé de sexe. Il s’agissait désormais des sœurs de la Sainte Famille de Bordeaux, toutes occupées à masquer comme elles le pouvaient l’épisode industriel, s’offrant des restaurations aussi inventives que celles de Viollet-le-Duc. En 1905, fin de la mode du religieux, place au belliqueux. À proximité du front, l’abbaye sert d’hôpital militaire pendant la Grande Guerre. Enfin, dans les années 30, le monument trouve une vocation qui, pour l’heure, semble définitive : elle est devenue un refuge d’artistes et d’intellectuels, doté d’un festival annuel.
Cette longue histoire se lit dans des détails architecturaux, du dallage imagé du réfectoire aux symboles de ses vitraux. Mais, si les végétaux pouvaient parler, les jardins la raconteraient également. Ils sont trois et le ministère de la Culture, dans sa grande clairvoyance, les qualifie de « remarquables ». Près de l’entrée, s’étend un potager expérimental où deux jardiniers ouverts d’esprit (Romain Van de Walle et Corentin Mercier) encouragent les plantes à fuir les trop sages espaces de culture pour aller vivre des amours clandestines parmi les herbes. Le cloître abrite un jardin à la française bien plus discret. Enfin, sur le côté du réfectoire se tient un jardin d’inspiration médiévale, cerné par une haie d’osier et constitué de neuf carrés surélevés.
Le jardin d’inspiration médiévale
C’est lui qui fait l’actualité cet été à Royaumont. Il a en effet été conçu pour accueillir régulièrement de nouvelles expositions botaniques et des végétaux fraîchement arrivés se donnent justement pour la première fois en spectacle. Baptisée avec un maximum de majuscules « Des Arbres & des Hommes », la scénographie évoque les relations de nos ancêtres les Moyenâgeux avec nos lointains cousins les arbres. En se promenant sous un charme, un frêne ou un alisier, le visiteur apprend quel usage était fait des branches et du tronc de chacun. Des arbres et des pierres, de l’art et de l’histoire, voilà de quel bois se chauffe l’abbaye de Royaumont !
Plus d’informations : Abbaye de Royaumont
Photographes : François Mauger, Camille Lambert et Jérôme Galland