Tokyo : se répérer dans les quartiers de Shinjuku et Odaiba - A/R Magazine voyageur 2018

Tokyo : se répérer dans les quartiers de Shinjuku et Odaiba

Vue du ciel, New York est une grille. Et Tokyo un disque : autour du vide central des jardins impériaux, la ville est délimitée par la ligne circulaire Yamanote (l’équivalent ferré du périphérique parisien). Connectant les principaux quartiers thématiques de Tokyo (Harajuku et Shibuya pour la mode, Akihabara pour les produits geeks, Ikebukuro pour les spectacles et les librairies…), elle devient la première référence géographique du touriste. Voire la seule. Tokyo s’étend pourtant bien au-delà de la frontière de rail, grappillant chaque parcelle de terrain… quand elle n’en crée pas !

Presqu’île artificielle excentrée, Odaiba incarne l’image qu’ont les citadins du week-end parfait, loin de l’agitation quotidienne du cœur de la capitale, Shinjuku – les deux facettes d’une même pièce en somme. Gare à la gare ! Incontournable ? Inévitable avant tout !

Première gare ferroviaire au monde, Shinjuku voit défiler plus de 3,2 millions de voyageurs au quotidien. 16 lignes tenues par 5 compagnies différentes s’entrecroisent dans ce labyrinthe aux 200 sorties. Comme si le jeu n’était pas assez compliqué, la station est prise d’assaut par les grands magasins, dont les sous-sols sont dédiés aux traiteurs. À peine sorti de son wagon, le voyageur est pris d’assaut par des régals sucrés comme salés, au point de retarder au maximum ses retrouvailles avec la surface ! Sanitaires rutilants, restaurants sur le pouce… on pourrait vivre dans cette ville à l’intérieur de la ville en perpétuel mouvement. À tout moment, un agent de la gare (généralement anglophone) saura vous guider vers la sortie la plus proche.

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Commençons la journée en nous dirigeant vers la « West Gate », noyés dans le flot des costumes noirs des salarymen. Bienvenue dans le centre administratif de Tokyo, sa mairie aux doubles tours inaugurée en 1991 !

(1) Dès 9 h 30, le public peut profiter gratuitement des observatoires situés à 200 m de haut – fermant à 23 h, celui de la tour nord permet également de savourer la vue de Tokyo by night. La légende voudrait que, les jours de ciel extrêmement dégagé, on discerne le mont Fuji en arrière-plan… mais rares sont ceux à en avoir été témoins. A l’est, quoi de nouveau ?

Quand sonne l’heure du repas, la majorité des cols blancs se dirige plutôt vers le nord de la gare… En les suivant, on tombe sur un entrelacs de venelles jouxtant les rails de la Yamanote, où s’entassent les gargotes. Brochettes et nouilles y sont englouties sur le pouce autour d’une bière entre collègues… et pas plus pour les petites vessies. Inchangé depuis les années 60, Omoide Yokocho (la « ruelle des souvenirs ») n’a pas suivi l’évolution du quartier (et de Tokyo en général) en matière de toilettes publiques, ce qui lui vaut le surnom moins glamour de Shoben Yokocho (« allée de la pisse »).

(2) L’estomac bien calé, on quitte les fourmis administratives de l’ouest de la gare pour retrouver les cigales dépensières à l’est ! Ces dernières se réunissent toutes au pied du studio ALTA, point de rendez-vous officieux de Shinjuku Est (3) avant d’aller faire du lèche-vitrines. Le quartier étant particulièrement fréquenté des touristes, le champion du prêt-à-porter Uniqlo et le roi de l’électronique Bic Camera ont uni leurs forces dans un magasin commun, Bicqlo, le paradis des têtes en l’air qui auraient oublié leurs sous-vêtements et leurs cartes mémoires avant de partir !

(4) La nuit est chaude Shinjuku change encore de visage en s’illuminant à la nuit tombée (19 h). Une arche rouge se distingue alors, à proximité de la sortie Est de la gare. Une fois franchie, vous voici dans Kabukicho, le quartier des plaisirs !

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(5) Catalogues géants, les frontons des bars à hôtesses et à hôtes présentent les photos de leurs employés avec qui partager un verre ; d’autres échoppes mieux cachées permettant de partager bien plus. Refusez poliment, mais catégoriquement toute proposition de rabatteur ! Kabukicho possède bien d’autres manières plus légales de décompresser : restaurants, bars à volonté, ou une toile au plus grand cinéma de la ville. Difficile de rater le Toho Building : la tête de leur mascotte Godzilla le surplombe, rugissant et s’illuminant chaque heure entre midi et 20 h !

(6) Un peu plus à l’est, un dernier bastion de tranquillité propose un voyage dans le temps. Dans les années 70, le prix du terrain s’envolant dans le quartier, la pègre a utilisé la manière forte pour déloger des locataires : les tenanciers des bars du Golden Gai (7) n’ont résisté qu’en s’organisant en milices. Le long de trois minuscules ruelles s’entassent des micro-bars (3 à 10 clients maximum) reflétant la passion du patron (camions, hippisme, rockabilly, série animée…).

La promiscuité incite à la confidence, et on y vient avant tout pour partager un moment de vie avec les clients d’un soir ou réguliers – on peut ainsi s’offrir une bouteille nominative pour les prochaines visites. Autrefois chasse gardée de ceux parlant japonais, le Golden Gai attire désormais une masse sans cesse grandissante de touristes tout juste anglophones, pour lesquels certains bars se sont adaptés… même si leur esprit collectif tranche avec l’âme d’origine. Au-delà du Rainbow Bridge En 1853, le commodore Matthew Perry, sur l’ordre du président américain, vient contraindre le Japon à s’ouvrir au commerce international après deux siècles d’autarcie. Pour se défendre face à ses canonnières, Tokyo construit dans sa baie une presqu’île artificielle où déployer son artillerie.

Militaire à l’origine, Odaiba devient au fil du siècle un district maritime, où les citadins aiment à se promener le week-end : de quoi inciter les spéculateurs des années 90 à y investir pour en faire le lieu de divertissement rêvé de la capitale ! Pour y accéder, deux routes s’offrent à vous. La plus ancienne consiste à contourner la baie par le nord, pour arriver ainsi sur la partie Est d’Odaiba, où trône le Tokyo Big Sight (8), pris d’assaut chaque week-end par une foule colossale. Parmi les salons qu’il accueille (motos, design, manga amateur…), certains attirent jusqu’à un demi-million de visiteurs ! Devant une telle fréquentation, on comprend pourquoi le Palais des Congrès tokyoïte monopolise une moitié de la presqu’île. On préférera donc utiliser le Rainbow Bridge (9), via la route express en surface (qui offre également des voies piétonnes), ou par la route inférieure qui jouxte le monorail avec vue garantie sur la baie de Tokyo.

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A l’arrivée nous attend le Parc Daiba (10), témoin des origines guerrières avec ses bunkers désormais recouverts de verdure. La baie de tous les excès Spot privilégié des véliplanchistes et des baigneurs, le Seaside Park (11) prend une tournure plus romantique à la nuit tombée, où les couples font sagement la queue pour un selfie en amoureux devant la réplique de la Statue de la Liberté, sur fond de Rainbow Bridge illuminé. Mais la meilleure vue est à une centaine de mètres : le siège de la chaîne Fuji TV (12) propose en effet un observatoire sans pareil sur Tokyo et sa baie – l’unique sphère dans la structure en grille ! Avant d’y accéder, vous pourrez visiter les expositions sur les licences à succès de la chaîne, déclinées en produits dérivés jusqu’à en donner le vertige. Comptez plusieurs heures pour franchir ces cent mètres, car sur le trajet, se tient le centre commercial Aquacity (13). Si vous craignez de vous perdre dans les couloirs à la déco inspirée du rococo italien ou du L.A. des sixties, demandez votre chemin à la polyglotte Chihira Junco, l’infaillible hôtesse d’accueil androïde !

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Le robot étrangement humain vous guidera vers la sortie la plus proche… ou l’animalerie au sous-sol, où les toutous peuvent se relaxer dans des caissons à oxygène. Les complexes commerciaux rivalisent sans cesse d’innovations et d’exclusivités : le DiverCity (14) expose sur son parvis une maquette à taille réelle d’un robot géant tiré d’une licence animée, quand le VenusFort (15) propose le showcase des meilleurs modèles Toyota. Vivre d’amour et d’eau chaude Omniprésent, le lèche-vitrines n’est pourtant pas le principal attrait d’Odaiba ! Les premiers flirts adolescents se créent ainsi dans un déluge de couleurs et de pixels, au sein du parc d’arcade Joypolis (18) inauguré en 1996 par Michael Jackson en personne. Au-delà de 20 ans, on privilégiera l’espace plus serein de Palette Town (16) et sa diversité d’attractions : après un concert à l’acoustique parfaite au Tokyo Zepp, il faudra conclure dans la promiscuité d’une cabine de la grande roue illuminée. Le summum vous attend au Oedo Onsen Monogatari (17). Cet établissement de bains publics (onsen) reconstitue l’ambiance de l’ère Edo (1603-1868) dès l’entrée, où l’on est prié de passer un yukata, kimono de coton léger. On se plonge littéralement dans l’ambiance d’une foire du temps jadis (malgré le code-barre à notre poignet servant de porte-monnaie virtuel), puis dans les bains chauds… même si la décence oblige les couples à se séparer un instant. Propres et pomponnés, c’est en civil qu’ils se rendront à la caisse pour une addition salée : l’établissement est interdit aux tatoués et déconseillés aux faibles budgets. Mais quand on aime, on ne compte pas…

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Shinjuku et Odaiba : bonnes adresses

Shinjuku

  • Restaurant Kushiya Monogatari. Groupe de 5 ou de 30, vous trouverez de la place en réservant pour 120 minutes de buffet à volonté, façon fondue bourguignonne avec viandes, poissons et légumes variés. Option « tout sucré » pour les femmes les week-ends et jours fériés. https://kusiya.owst.jp/en/
  • Cat Cafe Calico. Boire un café en compagnie de matous tout doux, c’est possible ! www.catcafe.jp/shop_shinjyuku.html

Odaiba

  • Odaiba Takoyaki Museum. Spécialité originaire de la région d’Osaka, le takoyaki est une boule de pâte à gaufre farcie avec un morceau de poulpe. À découvrir sous toutes ses formes dans ce musée-restaurant. www.odaiba-decks.com/en/takoyaki
  • Gundam Cafe Diver City Tokyo Plaza. Plongez dans l’univers de la populaire série animée de robots géants, à côté d’une statue taille réelle qui s’illumine et s’anime à la nuit tombée. http://g-cafe.jp/en/

[En savoir plus dans AR43]

Photographe : Laurent Koffel
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Écrit par
Michel Fonovich
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