Cher Aller-Retour,
Je t’écris des rues de Philadelphie, Pennsylvanie, où il est 6 heures du matin. Tiré du lit par le jet-lag, je n’ai rien de mieux à faire que de sortir pour assister au réveil de la ville. Outre les balayeurs déjà à l’œuvre et quelques homeless qui s’étirent, Philadelphie est à moi, seul et minuscule sous la skyline. Je ne vais pas te mentir, c’est une ville très agréable. Non contente d’être la cinquième agglomération et le berceau des États-Unis (la déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776 fut signée ici), Philadelphie dispose de larges trottoirs où l’on peut marcher, ce qui n’est pas si courant dans ce pays. Les rues commencent à frémir, les joggeurs jogguent et les gens promènent leur chien. Oui, leur chien. « It’s a very dog-oriented city », m’explique une autochtone. Les restaurants acceptent les clébards et on trouve un nombre anormalement élevé d’épiceries fines pour toutous. Il y a également des ongleries à chaque coin de rue. Peu de librairies, en revanche. De retour à l’hôtel, je zone devant la télé, ce qui me permet de constater que la moitié des publicités proposent des régimes (ou des rameurs sponsorisés par Chuck Norris) et l’autre moitié de la junk-food. Dans les rues, le taux d’obésité est effarant ; cette nation est en train de se suicider au sucre.
L’après-midi, je transpire au bord du fleuve Delaware, avec une foule bombardée de soleil et de classiques du rap des années 1990. C’est le pique-nique de The Roots. Chaque année, le groupe originaire de Philly organise un festival en plein air. Un événement populaire et vraiment cool où blancs et noirs viennent communier dans l’amour du hip-hop. Belle image de cette ville façonnée à la fois par son classicisme wasp et sa culture urbaine black. Regardons les murs de Philadelphie : ils sont ornés de fresques gigantesques. Dans les années 80, la ville, alors sinistrée socialement et défoncée par les tags sauvages, a lancé un programme anti-graffiti malin. Elle a subventionné les gamins pour qu’ils élaborent un processus artistique au lieu de vandaliser. Aujourd’hui, Philadelphie est en meilleure santé économique et 3500 fresques murales régalent l’œil du promeneur, qui a l’impression d’évoluer dans une bande dessinée géante ou un musée en plein air (…).