On peut bien sûr aller à Shikoku comme on va à Saint-Jacques-de-Compostelle, c’est à dire en pèlerin avec l’objectif de s’arrêter dans 88 temples disséminés le long d’un parcours accidenté qui brûle les jarrets et affole le palpitant. On peut aussi dans une quête plus esthétique que spirituelle quand l’automne est venu, aller à la chasse au feuilles rouges (momiji gari), une activité dénuée de coups de feu mais pas de coups de foudre.
C’est la plus petite des quatre grandes îles du Japon. Chez les Dalton, on l’appellerait Joe. Ici, on l’appelle Shikoku. Il faut dire qu’elle n’a rien à voir avec le teigneux hors-la-loi. Elle n’est que grâce et pour s’habiller ne se contente pas de rayures noires et jaunes, loin de là. Elle fut longtemps que mystère à l’abri derrière un glacis de montagnes acérées, des forêts épaisses, de vallées sinueuses et de gorges infranchissables. Forcément, elle demeure d’un naturel sauvage et conserve précieusement ses traditions. L’une d’elles est donc ce pèlerinage des 88 temples dont le parcours long de près de 1400 kilomètres suit à peu près les contours de l’île avec des hauts et des bas. La légende dit que le moine Kukai, fondateur de l’école bouddhiste Shingon, fut le premier au IXe siècle à emprunter le chemin. Une bonne cinquantaine de jours est nécessaire aux pèlerins pour aller du temple n°1 au temple n°88 puis retour au n°1 afin de compléter la boucle. Nul besoin de maîtriser sur le bout des doigts la notion de vacuité dans le bouddhisme zen pour se lancer; le chemin est ouvert à tout le monde. (…)