Les nouvelles du cinéma singapourien ne sont pas si fréquentes et quand elles sont comme ici tout à la fois vibrantes et superbes, on ne peut que s’en réjouir. A la recherche d’inspiration pour vos prochaines séances cinéma de ce printemps ?
Les étendues imaginaires – Singapour
Tout commence par une enquête. L’inspecteur Lok cherche à élucider la disparition de Wang, un travailleur immigré chinois employé sur un chantier d’aménagement du littoral. Au fil des jours, toutes les pistes le mènent vers un cybercafé nocturne. Il y rencontre Mindy, une jeune femme étrange que Wang fréquentait pour briser sa solitude pendant ses nuits d’insomnie. C’est là que bat le cœur du film du cinéaste singapourien Yeo Siew Hua. Dès les premières scènes, le regard du réalisateur se porte sur les lieux. Non pas du crime, mais du récit. En particulier ce littoral artificiel, en perpétuelle mutation. À Singapour, on gagne du terrain sur la mer en y déversant du sable. La majorité de ce sable est importée. Tout comme les ouvriers, souvent migrants, venus travailler sur ces chantiers. Ce contexte géographique, humain, social et économique si singulier devient la toile de fond d’un film qui mêle avec audace les genres.
“La grande majorité des scènes se déroulent dans des décors nocturnes hantés par des habitants qui vivent la nuit ou la traversent comme des fantômes insomniaques. “
Le spectateur est ainsi prié d’abandonner ses plates certitudes pour se laisser guider dans un labyrinthe dont seul le cinéaste connaît le plan intime. Et ce d’autant plus que la grande majorité des scènes se déroulent dans des décors nocturnes hantés par des habitants qui vivent la nuit ou la traversent comme des fantômes insomniaques. Sans parler de la mousson, elle aussi omniprésente, et qui plonge tout le film ou presque dans un climat humide cher aux films noirs traditionnels.
La nuit, la pluie… Yeo Siew Hua manie avec brio les codes visuels et sensoriels comme pour mieux nous embarquer dans ce récit initiatique. Au bout du compte et du conte, on trouvera un chemin, comme les protagonistes, celui du rêve et des métamorphoses. L’expression d’un ailleurs imaginaire, l’assurance qu’une autre vie, meilleure, est possible. À condition d’entrer dans le rêve, semble nous dire ce cinéaste surdoué, créateur d’images et de sons inoubliables, porteur d’un imaginaire qu’il sait subtilement déployer et faire partager ensuite. C’est dire si on attend avec impatience son prochain film.
Les étendues imaginaires
Un film de Yeo Siew Hua
Sortie le 6 mars 2019

Santiago – Italie
« Je ne suis pas objectif », dit Nanni Moretti à un moment clé de son documentaire sur le Chili d’Allende et de Pinochet. Avec l’intelligence qu’on lui connaît, le cinéaste italien revient sur ce coup d’État où tout a basculé. Là où tant de rêves et d’espoirs se sont brisés. Et pas seulement dans ce coin d’Amérique du Sud. Il part à la rencontre de celles et ceux qui ont vécu cette tragédie, parfois jusque dans leur chair. Au final, Moretti signe l’un de ses films les plus bouleversants. Et sans doute l’un de ses plus intimes.
Santiago
Un film de Nanni Moretti
Sortie le 27 février 2019

Still recording – Syrie
Pendant quatre ans, deux étudiants ont filmé le terrible quotidien de Douma, une ville syrienne marquée par les bombardements et les privations. Ensemble, ils dressent le portrait d’un lieu dévasté, mais encore vivant. Des enfants y jouent parmi les immeubles en ruines, recouverts de tags géants. Ici aussi, comme ailleurs, on rit et on pleure. Ce mélange d’émotions, les deux cinéastes le captent avec justesse. Ils provoquent tour à tour l’émotion et le vertige face à une réalité insupportable, qui semble ne jamais vouloir finir.
Still recording
Un film de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub
Sortie le 27 mars 2019
