Physicien de renom et docteur en philosophie des sciences, Étienne Klein est également un amoureux de la montagne qui pratique l’alpinisme en amateur très éclairé et très éclairant. Il publie chez Arthaud, dans la collection « Versant intime », un livre d’entretiens avec Fabrice Lardreau intitulé Psychisme ascensionnel où il évoque avec passion son rapport à la montagne et à l’alpinisme.
Quand avez-vous véritablement découvert la montagne ?
À l’âge de 20 ans. Après deux années de classes préparatoires scientifiques et les concours qui vont avec, mes parents m’ont offert un stage à l’UCPA. Instinctivement, j’ai choisi le grand tour du Mont-Blanc. Comme je le raconte dans mon livre, l’arrivée à Chamonix et la découverte du massif et de ses verticalités furent un choc absolu. On était bien loin des reliefs modestes du Morvan ou du Jura où j’étais allé en classe de neige à l’âge de neuf ans. J’ai ressenti pour la première fois l’attirance des sommets, l’impression d’être tiré vers le haut, comme sous l’emprise d’une force antigravitationnelle. Cette « aspiration par le mouvement vertical des cimes » dont parle Bachelard. Je parle sans hésiter d’un coup de foudre qui ne s’est jamais démenti depuis.
Que ressentez-vous précisément quand vous êtes sur les sommets ?
J’éprouve d’abord tout ce que mon corps peut endurer : le froid, la fatigue, le vent, la tempête, la glace… Je suis toujours surpris de ce que je parviens à faire. Et la montagne est ensuite devenue le lieu par excellence où je me sens à l’aise et parfaitement libre, détaché des nombreuses contraintes de la vie quotidienne. Je m’y sens véritablement chez moi ! Là-haut, je souris et je rigole sans cesse, alors qu’ailleurs je suis plutôt taciturne.
Comment appréhendez-vous le vide ? En avez-vous peur ?
Je ne ressens pas de peur en montagne, j’ai même le sentiment que rien de grave ne peut m’y arriver dès lors, et c’est toujours le cas, que je n’y suis jamais seul et toujours encordé avec un guide. Mais avoir peur du vide est naturel. C’est le signe que nous sommes en vie, de même qu’une chute, dès lors évidemment qu’elle n’est pas mortelle, peut porter en elle-même des effets bénéfiques.