L’Arabie saoudite s’ouvre au tourisme depuis très peu de temps. C’est l’un des effets du déclin annoncé du pétrole, qui pousse les autorités de ce pays à développer d’autres ressources économiques. Pour les visiteurs occidentaux, c’est surtout l’occasion de découvrir des paysages désertiques époustouflants, et des sites archéologiques pré-islamiques merveilleusement préservés.
Un aller pour AlUla
Sur ce plan, le site d’AlUla est l’un des fleurons du pays. Sa richesse archéologique tient à l’ancienne «route de l’encens». Aujourd’hui, l’encens semble une substance anecdotique, ne servant qu’à embaumer des églises ou des temples. Difficile d’imaginer qu’il y a environ deux mille ans, c’était une matière extrêmement précieuse. Elle était amenée du sud de la péninsule arabe en direction du nord, par des norias de caravanes. Qui donc, s’arrêtaient à l’oasis d’AlUla (quand on songe que ces caravaniers ignoraient qu’ils cheminaient sur des gisements de pétrole qui feront la richesse du pays… et qu’aujourd’hui la route de l’encens revient sur le devant de la scène avec le tourisme, alors que le pétrole sera bientôt plus démodé que l’en-cens…). L’archéologie est encore plus saisissante lorsqu’on s’enfonce dans le désert. À quelques kilomètres de l’oasis, voilà le site de Jabal Ikmah. On croit d’abord être face à de banals rochers. Mais nos accompagnateurs nous indiquent des rainures dans la roche. Pour le néophyte, cela ressemble à des traces d’érosion. En fait non, il s’agit d’inscriptions faites par des humains. «C’était un lieu de passage. Ces inscriptions sont par exemple des prières pour que les récoltes soient bonnes, ou que les membres de la famille se portent bien. Dans la région, il y avait une dizaine de types d’écritures différentes, mais les gens arrivaient quand même à se comprendre.» En fait, cette route de l’encens était comme une sorte d’autoroute du Sud, parsemée de relais où les populations se croisaient! Le plus étonnant avec ce désert, c’est qu’on y découvre des traces de vie humaine, même au milieu de nulle part. Comme dans cette vaste réserve de Sharaan, où après d’une heure de route en 4×4 et n’avoir croisé que quelques gazelles du désert (dont on est étonné d’apprendre qu’elles n’ont pas besoin de points d’eau pour s’abreuver, et qu’il leur suffit de se nourrir de rares plantes), on s’arrête au pied d’un amas de rochers totalement isolé… Et là stupeur: des gravures datant de plus de 1000 ans, et qui, grâce à la sécheresse et l’isolement du lieu, sont dans un parfait état de conservation
Hegra, c’est extra
Mais le clou, c’est évidemment le site d’Hegra. Il s’agit d’une ancienne cité habitée par les Nabatéens, un peuple de prospères négociants, venus de Jordanie pour s’installer ici, et développer une civilisation dont l’âge d’or se situe grosso modo entre – 100 av. J.C. et 100 apr. J.C. Ses vestiges, qui ornent majestueuse-ment cette région désertique, ont été inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en 2008. Commençons la visite en douceur. Nous nous engouffrons sous une grande faille d’une douzaine de mètres de hauteur, taillée par l’érosion dans la roche. C’est le site de Jabal Ithlib. Sur les parois, des figures géométriques dont l’historienne Claire Pinault, nous apprend «qu’elles représentent des divinités, car celles-ci n’avaient pas de forme humaine.» Drôle de culture où les dieux sont des rectangles. On découvre ensuite une excavation dans la pierre,spacieuse salle en forme de U bordée de bancs de pierre.
Le clou du clou à Hegra, ce sont ces gigantesques rochers aux façades sculptées. Il s’agit d’une centaine de tombeaux, disposés autour d’un espace désertique de plusieurs kilomètres de diamètre. Si ces constructions sont époustouflantes, la nature l’est aussi. Comme ces étranges rochers qui évoquent de gros champignons sur lesquels on aurait posé une énorme bougie fondue. Il devient très difficile de distinguer, ce qui provient de l’érosion ou de l’activité humaine. Et il est encore plus difficile d’imaginer ces rocailles sèches regorgeant de vie et de fraîcheur. Et pourtant, Claire Pinault nous apprend qu’«il y avait 130 puits à l’époque. Les Nabatéens savaient trouver de l’eau dans le désert, et la gérer». Il n’existe plus rien de cette agglomération, mais les tombeaux, eux, sont encore là. Vides aujourd’hui (malheureusement, le pillage est une activité universelle), ils hébergeaient le corps de notables entourés de cinq couches de linceuls et le cou orné d’un collier de dattes. Le fait que «ces tombeaux regardaient la ville des vivants et réciproquement», témoigne d’une étroite relation entre la vie terrestre et l’au-delà. On est aussi étonné d’apprendre qu’il y avait beaucoup de femmes dans ces édifices mortuaires (ce qui contraste avec le statut des femmes aujourd’hui dans ce pays, encore loin d’égaler celui des hommes). Encore plus hallucinant: au-dessus de ces tombeaux de riches, étaient placés les corps de citoyens ordinaires, dans une amusante inversion des classes sociales post-mortem.
Pratique
Y aller
Aller direct Paris – AlUla les dimanches à partir du 4 décembre et retour via Djedda ou Riyad à partir de 700 € avec Saudi Arabian Airlines. À partir de janvier 2023, la Royal Jordanian proposera des vols vers AlUla via Amann.
Dormir
Habitas AlUla
La magie du désert et le plaisir du confort. Des luxueux appartements de toile séparés les uns des autres et parfaitement intégrés à l’environnement, avec un salon extérieur pour jouir du silence, avec possibilité de prendre sa douche sous les étoiles, et une vaste piscine pour nager en contemplant les rochers et le ciel.
À partir de 806 €.
Son restaurant, Tama, propose une belle sélection de saveurs locales. Pour une expérience plus insolite et vintage, Caravan By Habitas vous invite à vivre comme un nomade en Arabie, en dormant dans des Airstreams (caravanes en alu).
À partir de 449 €.
Manger
Suhail
Dans la veille ville, ce restaurant saoudien propose des spécialités modernes des 12 régions d’Arabie saoudite.
Somewhere
Niché au cœur d’un ferme dans l’oasis, ce restaurant propose une vaste terrasse extérieure dans un jardin et sert des plats modernes s’inspirant des saveurs méditerranéennes.
Circolo
Surplombant l’Oasis, ce restaurant tout en bois et en végétation propose une cuisine italienne authentique.
Textes : Antonio Fischetti
Photos : Bruno Morandi