Les rives du lac Atitlan à Panajachel. © Christophe Migeon

Le Guatemala en trois incontournables

AR44 Antigua Guatemala
Antigua est l’ancienne capitale du Royaume du Guatemala.   © Christophe Migeon

1. Antigua Guatemala, le sein des saints

Avant d’élever les murs de sa maison, il est toujours bon d’étudier le plan d’occupation des sols et les rapports d’experts. Les conquistadors ont cru qu’ils pouvaient s’en dispenser lorsqu’ils ont voulu bâtir la capitale du Royaume de Guatemala, joyau de la Nouvelle-Espagne qui recouvrait alors non seulement l’actuel Guatemala, mais aussi le Belize, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica ainsi que le Chiapas mexicain.

Mal leur en prit. Il leur fallut tout de même plus d’une douzaine de séismes ravageurs pour comprendre qu’à cet endroit précis la terre avait pour habitude de s’ébrouer la couenne et qu’il y avait sans doute des coins plus tranquilles pour diriger un empire. Le nom de la cité quoiqu’un peu longuet ne manquait pourtant pas de cachet : Santiago de los Caballeros de Guatemala.

En 1773, après qu’un nouveau tremblement de terre ne fauche leurs plus beaux bâtiments, nos négligents Ibères remontaient en selle et repartaient égorger du Maya 40 km plus à l’est pour fonder ce qui allait devenir Guatemala City, une bourgade aujourd’hui aussi pittoresque et attachante qu’une ZAC de banlieue parisienne.

Mieux vaut revenir sur les pavés de cette première capitale, entre façades baroques lézardées et bâtiments coloniaux délabrés. Rebaptisée Antigua, la petite ville, cernée par les sombres silhouettes de trois volcans, passe désormais pour être la plus jolie du Guatemala.

Temple I ou temple du grand Jaguar, à Tikal © Christophe Migeon

2. Tikal, l’Atlantide de la jungle

Tikal, à plus de 300 km au nord de Guatemala City — 10 h de cahots sur des pistes assassines ou 1 h d’avion jusqu’à la ville voisine de Florès, à vous de choisir — est le principal aimant touristique du pays. Chaque année près de 250 000 visiteurs s’y pressent pour y admirer les derniers feux de la civilisation maya des Basses-Terres qui s’y est épanouie dès 500 av. J.-C. Sur 16 km2 arrachés aux griffes d’une jungle gloutonne, 80 bâtiments ont pu être exhumés : audacieuses structures pyramidales dominant la canopée, palais royaux aux murs vérolés d’épiphytes, mystérieuses plates-formes moussues suspectées d’avoir abrité quelque poisseux sacrifice.

Des miettes, si l’on se rappelle qu’à son apogée entre 200 et 900 de notre ère, la cité de Yax Mutul, le nom véritable de Tikal, comptait plus de 3 000 bâtiments et peut-être 90 000 habitants répartis sur 60 km2. L’absence totale de sources aux alentours ne laisse pas de surprendre. Une dizaine de grands réservoirs-collecteurs alimentés seulement par les pluies était l’unique approvisionnement en eau.

Faut-il voir là l’origine de l’abandon de la ville ? Les experts évoquent tour à tour des épisodes répétés de sécheresse, une insuffisance des ressources agricoles, une révolte de la plèbe contre les élites, une dégradation de l’environnement provoquée par un excès de culture sur brûlis… Quoi qu’il en soit, vers 950, Yax Mutul est pratiquement dépeuplée.

La jungle reprend vite ses droits au point que 600 ans plus tard, Cortès qui n’avait pourtant pas les yeux dans sa poche a chevauché à quelques kilomètres des ruines sans même rien remarquer. La ville ne ressurgira des limbes qu’en 1848 et gagnera alors son nouveau nom, Tikal, « le lieu des échos »… à moins que cela ne soit « le trou d’eau », mystères et subtilités de la langue yucatèque.

Sur la Grande Place, bordée à l’est par le temple du Grand Jaguar et à l’ouest par le temple des Masques, des bataillons de fourmis grosses comme des trombones tondent déjà la pelouse. Sous les frondes des kapokiers et des acajous s’esquissent les contours incertains d’un Angkor précolombien : terrasses et escaliers dévorés par d’insatiables pariétaires, embrasures enchâssées dans leurs écrins de racines, intrigant château de dominos pris dans les convulsions d’une nature vindicative qui entend bien rester maîtresse du terrain.

Le volcan Toliman (3158 m) au-dessus du lac Atitlan © Christophe Migeon

3. Le feu au lac Altitlàn

Devant les pontons délabrés de Panajachel sur les rives du lac Atitlàn, trois des trente-trois volcans du pays découpent l’azur de leurs cônes parfaits : le Toliman, le San Pedro et l’Atitlàn, tous engourdis depuis des siècles, mais prêts à faire feu de toute lave à la moindre indisposition tectonique. Le lac lui-même a pris ses aises dans le creux d’une caldeira formée voici 84 000 ans.

Avec une faille de près de 350 m, Atitlàn est le lac le plus profond d’Amérique Centrale. C’est aussi un plan d’eau capricieux. En 1976, un tremblement de terre fait baisser d’un coup son niveau de deux mètres dégageant ainsi de vastes surfaces sur tout son pourtour. Mais 30 ans plus tard, un nouveau séisme fait remonter les eaux de huit mètres !

À moins d’être un yogiste végan amateur de tourisme ésotérico-branchouille, on évitera soigneusement San Marcos, fief de pseudo-gourous attrape-bobos qui moyennant quelques bonnes poignées de quetzals initient le gringo aux joies de la médecine holistique, de la danse transcendantale et du voyage intersidéral. Mieux vaut filer vers San Juan de la Laguna, loin des vapeurs d’encens et des tapis de sol en fibres d’agave. Avec ses dizaines de fresques murales et de galeries de peinture, le village fait figure de Pont-Aven du Guatemala, capitale d’un street-art fertile et naïf.

Dans les rues de San Juan La Laguna. © Christophe Migeon

Allez-y si …

Vous aimez les bananes (c’est la patrie des grands domaines Chiquita), vous voulez découvrir une ribambelle de monarques aux noms de chefs scouts (K’inich Muwaan Jol I [« Tête de Chouette Flamboyante »], Yax Nuun Ayiin I [« caïman vraiment enragé »], Chak Tok Ich’aak I [Grande Patte de Jaguar] ou Siyaj K’ak » [« Grenouille fumante »]), vous voulez chanter des cantiques avec les gringos perchés de San Marcos…

Évitez-si …

Vous détestez les fayots (les frijoles, gros haricots noirs, sont l’accompagnement incontournable des plats guatémaltèques), vous voulez jouer à la balle comme les anciens mayas sans utiliser les pieds ou les mains (la balle de caoutchouc pouvait faire jusqu’à 3 kg et les vainqueurs étaient souvent sacrifiés)…

Dans les rues de San Juan La Laguna © Christophe Migeon

PRATIQUE

Comment y aller ? Avec Iberia depuis Orly avec une escale à Madrid, autour de 650 €.

Quand y aller ? Durant la période sèche de novembre à mai tout en évitant si possible les fortes affluences de décembre et janvier.

Hébergements
Hotel Porta Antigua. 110 chambres dans un style néo-colonial s’ordonnent autour d’un jardin luxuriant dans le centre d’Antigua. Chambre double à partir de 180 USD (240 USD en haute saison). Tél. : (502) 7 931 060,

Pension chez l’habitant dans la famille Tzep à San Juan La Laguna. Santos, sa femme Juana et leurs enfants font chambre et table d’hôte. 130 quetzals avec le dîner. Rajouter 30 Q pour le petit-déjeuner. Tél. : (502) 477 225.

À lire
Week-end au Guatemala, de Miguel Angel Asturias. Le Nobel de littérature raconte l’invasion de son pays par les USA en 1954, comment les avions américains bombardent des villages indiens et comment les troupes mercenaires exécutent les syndicalistes. Édifiant.

Plus d’infos : http://www.visitguatemala.com/

Lire la suite dans A/R 44

Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Sandrine Mercier
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