Au Kerala, le pays où les cocotiers poussent comme de la mauvaise herbe, il y a de drôles de cocos : ceux avec faucille et marteau qui ont orienté sensiblement les destinées de cet État, ceux qui viennent se prélasser sur des plages somptueuses et s’offrir une cure de médecine ayurvéda, sans oublier ceux qui se perdent avec délice dans le labyrinthe aquatique des backwaters.
Cap Comorin, la pointe méridionale de l’Inde. Plein sud et jusqu’à l’Antarctique, plus une seule terre, seulement l’immensité de l’océan Indien. Une pointe légendaire où se dresse un curieux bâtiment rose bonbon rehaussé de traits jaune citron. Non, il ne s’agit pas de la maison d’Hello Kitty mais du Mémorial Gandhi fraîchement repeint. Au centre de la pièce principale, une pauvre stèle sur laquelle reposa le 12 février 1948, l’urne qui contenait une partie des cendres du grand homme avant leur immersion. Pas de quoi attirer la foule, toutefois chaque jour à l’heure où le soleil enflamme les flots et le ciel avant de se noyer dans la mer d’Oman, l’édifice prend sa revanche en accueillant sur ses terrasses les admirateurs de couchers de soleil venus s’en mettre plein les mirettes. Tout va très vite. La nuit passe un coup de pinceau noir sur le rouge sang de l’horizon. Restée à l’entrée du Mémorial une touriste française dont le visage évoque celui de Gandhi les moustaches en moins et les cheveux en plus discute avec un de ces guides officieux toujours à l’affût de quelques touristes égarés. « Do you have a pen ? » demande-t-il avec un accent pas très franc du collier. Elle plonge la main dans son sac et en ressort un peigne. L’autre ne comprend vraiment pas pourquoi elle lui tend son peigne. Tout ce qu’il veut, c’est un pen! un stylo quoi ! Ça y est, elle a pigé. Elle brandit un stylo, à peine un merci et il tourne les talons. (…)
Photographe : David Lefranc