HAWAÏ : nuits brûlantes

Au risque de décevoir le lecteur, cette histoire au titre prometteur, ne traite que de phénomènes géologiques extraordinaires et de gens suffisamment dingues ou passionnés – selon les versions – pour aller s’y frotter. Les coulées ne sont que de lave, les lèvres désignent de très honnêtes bords de cratère et les points chauds demeurent embusqués plusieurs kilomètres sous terre. On vous aura prévenu. 
Nuit chaude, c’est vite dit. Il est minuit passé de trente minutes, le fond de l’air est plutôt frais et le faisceau de la frontale ne propose rien de bien réjouissant : un sol ravagé de funestes boursouflures, encombré de vomissures pétrifiées et de colombins de magmas refroidis, propices aux chutes et culbutes. Au loin, très loin encore, les parois de la montagne rougissent comme un cul de chaudron posé sur des braises. Le Kilauea, frappé d’hémorragie depuis plus de 30 ans, s’épanche en saignées écarlates. La nuit est sans doute le meilleur moment pour saisir le rougeoiement incandescent des coulées de lave. Mais c’est surtout l’heure où les rangers du Parc national ont enfilé leur pyjama et rêvent d’un monde où tous les citoyens observeraient à la lettre les règlements édictés par l’administration, d’un monde où chacun se plierait sans broncher aux arrêtés et aux décrets, bref d’un monde sans Français. Guy de Saint-Cyr n’en est pas à son coup d’essai. Après plus de 40 ans passés à batifoler sur les pentes des volcans en menant des passionnés au plus près des grands fauves rougissants, il connaît la musique. Les rangers aussi le connaissent. Ils ont même son portrait affiché dans leur guérite pour l’empêcher de rentrer dans la zone des coulées. Peut-être y a-t-il une prime si l’on ramène sa dépouille au bureau du Parc ? (…)
Photographe : Christophe Migeon
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Écrit par
Christophe Migeon
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