Si vous avez l’appétit d’un moineau, si vous trempez à peine vos lèvres dans un verre de vin, si vous fuyez les festins et les discours, si vous résistez à la tentation de la gourmandise, si vous réprouvez la bamboche et les affectueuses accolades, passez votre chemin, car la Géorgie n’est pas faite pour vous. Quelque chose cependant me dit que vous le regretterez.


Qui découvre la Géorgie ne l’oublie jamais. Dieu lui-même l’avait repérée et comptait bien s’y installer alors qu’il venait de partager le monde entre tous les peuples. Mais voilà que les Géorgiens arrivèrent en retard à la séance de distribution, sans doute, déjà à cause d’interminables agapes, et ce lopin de terre situé entre les majestueux monts du Caucase et les flots dociles de la mer Noire, ce lopin de terre où coulent le lait et le miel, mais surtout le vin, il dut, in extremis et à contrecœur, leur céder.
Écoute la voix du tamada
Les convives n’en peuvent plus de contempler deux longues tables où les entrées jouent des coudes pour se faire une place : badrijani (roulés d’aubergines aux noix), pkhali (boulettes de légumes), cornichons et jonjoli marinés (bouton de fleur issu de l’arbuste appelé Staphilée de Colchide, salades de tomates et de concombres avec les herbes qui vont bien, lobio (soupe de haricots rouges)… Dire que les khajapouri (pain chaud au fromage fondant) n’ont pas encore fait leur apparition. C’est à peine si l’on distingue sous la profusion de plats la couleur blanche de la nappe. Enfin, le tamada donne le signal en portant un premier toast à la paix. Bien d’autres suivront au gré de ses inspirations et d’un antique protocole alors que les plats défileront. Le tamada est en quelque sorte le maître de cérémonie. On voit par-là, que le soupra ou banquet n’est pas une affaire à prendre à la légère que l’on soit le tamada ou pas. À défaut d’entraînement, il est préférable de posséder certaines qualités naturelles : grand gosier, estomac extensible, cervelle étanche.




Notez qu’à la place du vin, on peut vous servir de la tchatcha, un alcool obtenu à partir de marc de raisin fermenté puis par distillation et tirant au minimum 40°. Là, on change de division. Après les entrées, on a apporté quelques plats dits de résistance : des mtsvadi (brochettes de porc, d’agneau ou de bœuf), des poulets rôtis nappés d’une sauce aux noix et des khinkali, ces délicieux raviolis en forme de figue à saisir par la queue avant de mordre délicatement dans la partie pansue en veillant à rejeter la tête en arrière. Cette technique éprouvée permet d’aspirer le bouillon sans craindre des dégoulinements intempestifs. Difficile en revanche de bannir les bruits de succion. Ensuite, l’esprit léger, on mâchonne la farce à base de viande. Tout ça n’est pas d’une folle élégance, reconnaissons-le, et il serait pour le moins maladroit de commander au restaurant des khinkali lors d’un premier repas en amoureux.


Pratique
Y aller
Vols directs Paris CDG – Tbilissi sur Air France et Georgian Airways à partir de 450 €. www.airfrance.com, www.georgian-airways.com
Avec qui ?
Tselana Travel. À partir de 3 650 € par personne (base 2 personnes) pour 6 jours/5 nuits au départ de Paris. Itinéraire sur mesure conçu et guidé par Paul Caussé, avec chauffeur. Hébergement en hôtels et en agritourisme de charme, repas en restaurant et chez l’habitant. Cours de cuisine possible.
Une table dans le maquis. Tout commence par des rencontres avec des acteurs locaux passionnés et avides de partage : un vigneron, un artisan, un chef, un apiculteur… Tout finit autour d’une table dans la bonne humeur et une belle communion des esprits. Toujours en prenant le temps de s’imprégner des ambiances selon la philosophie de Paul Caussé, le chef baroudeur. Séjours sur mesure.
Manger
Kakhelebi Lilo, Tbilissi, Géorgie. À la périphérie de Tbilissi, derrière une porte banale d’un immeuble banal se cache l’antre des gastronomes avides d’une cuisine traditionnelle à base de produits frais en provenance directe de la ferme appartenant au restaurant. Très belle collection de khajapouri. Ils servent leurs propres vins.
2 Saknavtobi Kakheti Hwy


Marani Ruispiri, Telavi, Géorgie. En Kakhétie, au pied du Caucase, Giorgui Aladachvili fabrique son vin en biodynamie après avoir fait ses armes en Suisse dans le canton de Vaud. La dégustation accompagnée de quelques victuailles locales vaut le détour. Napareuli 12.
Dormir
Stamba, Tbilissi, Géorgie. Au cœur de Tbilissi, une ancienne maison d’édition datant de l’époque soviétique a tourné la page pour se métamorphoser en un hôtel au charme post-industriel. Non, vous n’avez pas la berlue, car le Stamba a le privilège de partager le même bâtiment que le Rooms. Chacun son côté, celui du Stamba jouant davantage sur l’aspect brut. Les deux d’ailleurs communiquent par un couloir au sous-sol. La chambre Aviateur promet de beaux voyages, attention toutefois au décalage horaire, vous pourriez vous retrouver dans un état proche de Lost in translation.


Photographes : Antoine Lorgnier et Frédérique Ducout