El Nido : perdu au fin fond des Philippines

El Nido se mérite

Pour parvenir à El Nido, il faut voler jusqu’à Puerto Princesa, de là affréter un van, rouler 6 heures sur une route en perpétuels travaux, encombrée de motards qui ne différencient pas leur droite de leur gauche – quand ce ne sont pas des poules, des chiens suicidaires ou des enfants inconscients. Mais tout cela a son charme, ça me rappelait mes virées balinaises. Coincé entre les valises des passagers, je me disais : « El Nido se mérite ».

Largué dans une rue poussiéreuse aux relents de friture, aussitôt agressé par les pétarades de moteurs, j’ai un peu déchanté. Le joli port de pêche s’était développé à la vitesse d’une ZAD sur une zone humide en Loire-Atlantique. Gros naïf, je ne pensais pas qu’il y aurait tant de monde en février. Les hôtels étaient pleins. J’échouais dans une pension en bout de plage, si l’on peut appeler ainsi une mince bande de sable sale, inondée à marée haute. Comme ma salle de bain, d’ailleurs. J’avais cependant de la chance, l’éruption du volcan Mayon sur l’île de Luzon ne menaçait pas Palawan.

On se croyait à Goa

J’avais quitté Manila l’embouteillée, la polluée, avec ses combats de nains et ses spectacles de ladyboys, la misère de ses bidonvilles, sa Trump Tower fraîchement inaugurée. El Nido m’offrait ses concerts de klaxon, ses cortèges de tricycles (les tuk-tuk locaux), ses attroupements de touristes tatoués, accourus des quatre coins du monde pour déguster… une pizza. Sur des airs de techno, la bière coulait à flots pour une poignée de pesos. On se croyait à Goa. La débauche occidentale dans un ersatz d’Asie.

Mais ne soyons pas mesquins. L’intérêt d’El Nido, ce sont les îles voisines de l’archipel de Bacuit. Un labyrinthe de falaises, de lagons, de plages secrètes. Le paradis du masque et tuba. Petit bémol : pas d’excursion sans réservation. Les pirogues à balanciers sont prises d’assaut. Une véritable industrie. Les fumées des barbecues ont remplacé les cheminées d’usine… La faute à Koh-Lanta, qui posait ses caméras ici même il y a quelques années. En attendant mon tour, j’arpente les sentiers côtiers, parmi les odeurs d’égouts et les chiens craintifs (les Philippins les mangent, à l’instar des œufs de fourmis ou des embryons de canards). Je me perds dans un cimetière, manquant m’écorcher aux toits de tôle rouillée. J’échoue sur la plage de Caalan. J’avale mon mojito cul sec, sous l’assaut des puces de sable. Au coucher du soleil, j’assiste au retour des excursions, spectacle un poil désopilant. Les routards aux cuisses écarlates ont l’air dépités. Leurs sacs étanches bon marché ont pris l’eau.

Seuls les Australiens ont l’air heureux

Tout prend l’eau, à El Nido. Les vagues lèchent les pieds des tables en plastique. Les serviettes en papier s’envolent. Au Pukka bar, un couple de Français fait la gueule. Seuls les Australiens ont l’air heureux. Ils en sont à leur douzième pinte. Les filles se jettent à l’eau dans un concours de T-shirts mouillés. J’en suis à ma troisième pinte de San Miguel, je deviens philosophe. Pourquoi se plaindre des puces, des touristes (dont je suis) et du reggae trop fort ? J’ai quitté l’hiver parisien. Il fait 31 degrés et me voici enfin en tongs.

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Écrit par
Tristan Savin

Tristan Savin, écrivain bourlingueur, s’amuse à dénicher les lieux improbables. Son dernier livre : Les trous du cul
du monde (Arthaud, 2016)

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