Croisière dans les canaux de Patagonie

En 1520, Magellan s’est frayé un passage dans un labyrinthe de canaux tout au sud de la Patagonie, dans ces espaces balayés par un vent infernal. Aujourd’hui, pas besoin d’être un navigateur de l’extrême pour faire l’expérience de ces paysages. À bord d’un bateau de croisière- expédition d’Australis,  nous voguons entre Punta Arenas et Ushuaia. 5 jours dans un décor où la nature s’impose plus qu’ailleurs.  

1. Pourquoi la Terre de Feu ?

Quand Fernand de Magellan s’aventure à travers les canaux de Patagonie avec l’ambition de trouver une route pour rejoindre l’océan Pacifique, il aperçoit des fumées s’élever au-dessus des terres. C’est ainsi qu’il choisit de nommer ce nouveau territoire, Terre de Feu – Tierra del Fuego, en espagnol. Ces fumées émanent des feux allumés par les peuples autochtones (Onas, Yagans, Alakalufs) pour se prémunir du froid et de l’humidité, deux ennemis mortels sous ces latitudes. Contre les colons, en revanche, ils ne trouveront pas de parade et seront massacrés sans pitié.

2. La baie d’Ainsworth

« Il y a 100 ans, le glacier Marinelli arrivait là où nous marchons ! », déclare notre guide Esteban. C’est-à-dire dans la baie d’Ainsworth. Puis, il pointe au loin la cordillère de Darwin couronnée de neige. « Aujourd’hui, il a reculé jusque là bas, soit à une vingtaine de kilomètres. Observez le paysage. Il a été façonné par les glaciers, il y a un million d’années. Si une montagne est ronde, cela signifie qu’elle se trouvait sous la glace. Si elle est pointue, on peut à l’inverse en déduire qu’elle est demeurée au-dessus de la couche de glace. »

La question du relief ayant été abordée, on s’intéresse à la végétation. Comment renaît-elle après la disparition de la glace ? On écoute Esteban : « De la symbiose entre des microalgues et des champignons, naissent des lichens verts ou jaunes, ciselés comme des dentelles. Grâce à la pureté de l’air, ils se développent très bien, et vont nourrir le sol sur lequel mousses, bruyères et arbustes vont progressivement s’implanter. » Et voilà comment le cycle de la vie reprend. 

3. Qui es-tu, manchot de Magellan ?

« Quand Magellan et son équipage ont vu pour la première fois “ce drôle de canard”, qui ne vole pas et crie comme un âne, ils l’ont trouvé facile à chasser et appétissant, même si la viande est granuleuse », explique notre guide Esteban tandis que depuis le zodiac nous observons une colonie de manchots de Magellan sur les îles Tucker. Pour les distinguer des autres espèces de manchot ? Facile. Leur ventre est blanc, barré par deux bandes noires. La tête, les joues et le cou sont noirs tandis qu’un galon blanc passe au-dessus de l’œil pour se prolonger en cercle autour des joues. Sur terre, l’animal a l’air bien empoté avec ses pattes courtes et sa démarche raide. « C’est parce qu’il n’a pas de genoux, mais dans l’eau, il est un excellent nageur », commente Esteban. Est-ce son agilité aquatique qui a convaincu Australis de l’intégrer dans son logo ?

3 questions au capitaine Navarro

Adolfo Navarro est l’heureux capitaine du Ventus Australis depuis 2018, date de son inauguration. La passerelle, ainsi que l’on nomme le lieu où l’on effectue la navigation, est ouverte aux passagers curieux de découvrir les coulisses de la croisière.

Quelles sont les caractéristiques du bateau ? 

Il a été tout spécialement conçu pour naviguer dans les canaux. Son fond plat, sa petite taille (89 m de long, 99 cabines) et ses moteurs puissants permettent de manœuvrer facilement dans les fjords et les canaux étroits. Grâce à notre pavillon chilien, nous sommes autorisés à débarquer nos clients sur les terres chiliennes. Grand privilège ! 

Quel est le plus gros risque de navigation ?

C’est le vent catabatique qui dévale des glaciers sans prévenir et soulève d’énormes vagues. Il peut atteindre 200 km/h. Notre instrument de navigation le plus important est donc l’anémomètre, qui permet de mesurer la vitesse du vent. 

Que préférez-vous dans cette croisière ? 

J’ai fait le tour du monde en travaillant pour la marine marchande. Naviguer dans la mer de Chine ou la mer du Nord, je peux vous dire que c’est du sport, car il y a un trafic incroyable. En Patagonie, la zone est belle et peu fréquentée. Aujourd’hui la mer est bleue, le ciel aussi avec des albatros qui planent, et une petite bise du nord ; tout est calme. J’aime beaucoup rencontrer les passagers et partager avec eux les repas dans la salle à manger. 

4. Le défilé des glaciers

Cette nuit, le Pacifique a très mal porté son nom. Grosses vagues, pluie battante, vent terrible… Ça grinçait de partout et ça tanguait fort. Puis, au matin, plus rien. On se réveille à l’abri dans le canal de Beagle qui nous amènera jusqu’à l’océan Atlantique, 180 km à l’est. D’un fjord à l’autre, on rencontre des glaciers, qui, tels des fauves autour d’un point d’eau dans la savane, se penchent jusqu’au ras de la mer pour s’abreuver.

Le plus costaud, le plus sidérant est le glacier Pia, icône de la Patagonie, qui en dépit du réchauffement climatique continue de s’étendre. Croulant sous sa masse, craquant de toutes parts, il s’effrite. De temps en temps, des pans de glace se détachent de sa falaise frontale dans un énorme fracas et vont s’écraser dans la mer. Tout le fjord en tremble. Dans ce décor grandiose, chacun des minuscules passagers semble se recueillir comme dans une cathédrale. 

5. Cap Horn ou pas Cap Horn ?

La question est dans toutes les têtes alors que la croisière approche de son terme. Pourrons-nous débarquer au terrible cap Horn où tant de bateaux ont sombré ? Cela dépendra de la météo. Il est 7 heures du mat. Débarquement autorisé. Les zodiacs nous déposent sur une plage. Il reste à gravir les 170 marches d’un escalier accroché à la falaise. Au sommet, le vent se déchaîne. Courbés et chancelants sous les bourrasques, on marche jusqu’à la sculpture géante d’un albatros, dressée ici en hommage aux cap-horniers ayant péri dans les parages (900 naufrages et 10 000 morts). 

Y aller

Australis, le croisiériste d’expédition historique en Terre de Feu propose 2 croisières pour découvrir les fjords, les glaciers et manchots, le cap Horn et Ushuaia : Fjords de la Terre de Feu et Explorateurs de la Patagonie. Croisières de septembre à avril.

Croisière 5 jours/4 nuits : à partir de 1510 € (prix par personne en chambre double, variable selon la saison et la catégorie de la cabine, en formule « tout inclus » qui comprend la croisière, la pension complète, les consommations, les excursions et le programme d’animation à bord).

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Écrit par
Sandrine Mercier
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