Cher A/R,
Je t’écris de Bourg-en-Bresse, où l’on mange de très bonnes cuisses de grenouille. La préfecture de l’Ain est un endroit fascinant. On y trouve notamment la fameuse église de Brou et sa façade Renaissance derrière laquelle repose Marguerite de Bourbon. La ville natale de Laurent Gerra est également connue pour sa politique volontariste en matière de déplacement durable ; on compte 24 kilomètres de pistes cyclables dans cette cité où règne un climat de type semi-continental. On ne va pas se mentir plus longtemps : je n’ai rien à raconter sur Bourg-en-Bresse, ce texte doit remplir une page et tu n’aurais pas tenu un paragraphe de plus sur ce ton-là.
Je vais donc tricher et te raconter mes impressions sur mon séjour à Rio à l’automne dernier. Un magazine m’avait envoyé là-bas pour faire un reportage tourisme avec un angle imposé très original : « samba, caïpirinha et capoeira ». J’ai écrit le sujet commandé – il faut bien vivre – mais je suis aussi allé voir ce qui se passait dans les favelas. Parce que ça change à ce niveau-là.
Je m’étais déjà rendu à Rio en 2008. À l’époque, il n’était pas raisonnable de pénétrer dans les favelas sous contrôle des gangs sans prendre le temps d’établir des contacts permettant d’assurer sa sécurité. J’avais donc pris le parti honteux de m’embarquer dans une favela tour à Rocinha, le plus grand bidonville du continent, avec l’excuse de ramener un reportage sur ces promenades touristiques chez les pauvres. J’avais croisé des types avec des t-shirts déchirés et des fusils à pompe, qui ne m’avaient pas accordé un regard : le service d’ordre des narcos. Le tour operator local garantissait la sécurité de ses touristes en arrosant les gangs, bien qu’il s’en défende. (…)