De Paris à Santa Cruz de la Sierra
Coup de gourdin à l’escale de la Paz. Ce diable d’aéronef s’est mis en tête de passer par la capitale administrative du pays avant de bien vouloir nous déposer à Santa Cruz, destination finale. Du coup, est-ce l’heure indue – 4h30 du matin – ou les 4 100 m d’altitude que nous délivre d’un coup l’ouverture de la porte, mais il y a comme un léger coup de mou chez les passagers. Les visages affichent un teint d’endive poussée à l’ombre, les paupières lourdes s’affaissent sur des yeux vitreux et les poumons flapis carburent à vide. Sur la passerelle, les bouteilles d’oxygène sont prêtes à redonner vie aux premiers passagers qui tourneraient de l’œil en descendant. Mais personne ne s’affale dans le couloir. Tant pis pour cette chronique qui faute d’incidents croustillants rebondit d’un dernier coup d’aile en direction de Santa Cruz et de ses 400 m d’altitude.
Pas de Pénélope Cruz à Santa Cruz
Ici, c’est la Bolivie tropicale, un peu humide sous les bras, avec des perruches braillardes qui rompent à la fois l’azur et le silence en vols stridents, une Bolivie verte teintée de roussi, mais surtout une Bolivie blanche et riche, en tout cas moins pauvre qu’ailleurs grâce aux grandes exploitations agricoles, à l’élevage, aux banques et aux gisements de gaz qui ont eu la bonne idée de se manifester dans le sud-est. On est bien loin de l’Altiplano et de ses indiens mutiques ne s’exprimant que par flûtes de pan interposées. Découverte d’un pays schizophrène, coupé en deux avec d’un côté les cambas, ces blancs hispanophones de l’Oriente, de l’autre les collas, indiens couleur de desserte en teck parlant l’une des 36 autres langues indigènes, longtemps spoliés, toujours humiliés, et qui pensent enfin avoir une chance d’obtenir voix au chapitre avec l’élection en 2006 du premier président indien de l’histoire, Evo Morales, un ancien syndicaliste paysan. Santa Cruz est le cœur névralgique de l’opposition au très chaviste Morales. Notre guide Jaime, camba pur jus, l’accuse de despotisme et prédit à la Bolivie un destin amer sauce Zimbabwe. « Là-bas, ils ont Mugabe, ici nous avons Morales ». Et de pointer l’emprisonnement injustifié de leaders de l’opposition santacruzienne ou le récent achat d’un fort onéreux Falcon 50 pour les déplacements du président. Attendons de savoir ce qu’en disent les Andes avant de ranger définitivement Morales dans le tiroir déjà bien plein des gros pourris. Peut-être la parole de Jaime n’est-elle pas d’or. Ne nous a t-il pas annoncé que c’est à Santa Cruz que se trouvent les plus belles femmes du pays ? Hélas, sans vouloir faire le goujat, force est de constater que, hormis quelques chutes de reins plus ou moins audacieuses, il n’y a guère de quoi se faire une infusion au bromure.
Voyage lecteurs A/R avec Tirawa