Tous les douze ans, l’Inde s’enfièvre. Des contreforts de l’Himalaya, du désert du Thar, des Ghâts, du cap Comorin, du golfe du Bengale, des pèlerins par millions prennent la route d’Allahabad dans le nord du pays. Tous vont purifier leur âme dans les eaux sacrées du Gange et de la Yamuna à l’occasion de la Maha Kumbh Mela, le plus grand rassemblement religieux au monde.
Il était une fois, il y a fort longtemps, bien avant que les hommes naissent, des dieux et des démons qui se disputaient l’élixir d’immortalité contenu dans une jarre (kumbha). S’en étant emparés à l’issue d’un long combat, les dieux dans leur fuite laissèrent tomber quatre gouttes en quatre endroits devenus depuis quatre lieux saints de l’hindouisme : Nasik, Haridwar, Ujjain, et Allahabad (l’ancienne Prayag) où tous les trois ans et successivement, les pèlerins viennent glaner un peu de sainteté en participant à la Kumbh Mela. Tous les douze ans, se déroule à Allahabad et seulement là, la Maha Kumbh Mela soit la Grande Fête des Jarres. Par millions les pèlerins envahissent le lit du Gange partiellement asséché et transformé en un gigantesque campement (20 km2). En 2013, ils furent près de cent millions. Il faut dire que cette année-là, il n’était vraiment pas question de rater une conjoncture stellaire rarissime entre Jupiter, le soleil et la lune qui garantissait une purification idéale dans le Gange, sauf à penser qu’on reviendrait 144 ans plus tard. (…)