Terre de nature sauvage, de forêts et de volcans, la région de Tohoku reste méconnue des étrangers. En plein hiver, elle recèle pourtant sous son épais manteau neigeux la chaleur et l’âme du Japon.
1. Les monstres de Zao
Le Tohoku reçoit parmi les plus fortes chutes de neige du monde. D’où de belles opportunités de ski, notamment à Zao Onsen, l’une des plus anciennes stations du Japon, nichée au pied d’un ancien volcan culminant à 1841 m. Le domaine n’est certes pas immense, mais il comprend des pistes variées, parfois raides, et une descente longue de 10 km. Mais le plus spectaculaire, ce sont ces grands sapins pétrifiés par la neige que soufflent les vents sibériens. Les Japonais les nomment Yuki Monsters, les monstres de neige. Une armée de créatures géantes et blafardes dresse ainsi leurs silhouettes spectrales au bord des pistes, donnant la sensation de skier parmi les cousins de Godzilla.

2. La chaleur des onsen
Région de sources volcaniques, le Tohoku regorge d’onsen, bouillantes promesses de zénitude où l’on s’adonne au plaisir de tremper nu dans un bain en plein air, en regardant la neige tomber à gros flocons. Zao Onsen est aussi une station thermale riche de bienfaitrices sources sulfureuses, dont la réputation remonte à l’an 110. Le Tohoku abrite des onsen « secrets » et rustiques, comme ceux de Nuyto, cachés dans les montagnes boisées d’Akita ; d’autres plus luxueux, tel Ginzan Onsen, dans les hauteurs de Yamagata. Ambiance relaxante aussi à Atsumi Onsen, près de Tsuruoka, où coule une rivière aux berges plantées de cerisiers. Les auberges y rivalisent dans l’art de recevoir à la japonaise, l’omotenashi, où le client est, non pas roi, mais honoré à l’égal d’un dieu.

3. Des festivités en clair-obscur
Au cœur de l’hiver, le Tohoku n’hiberne pas et multiplie les festivals de lumières. Au pied du château d’Aizu Wakamatsu, vers la mi-février, des milliers de bougies illuminent la nuit de leur éclat vacillant. Peintes à la main de motifs floraux, elles décoraient jadis les autels des ancêtres familiaux. Aujourd’hui, leurs lueurs apaisent l’âme des vivants. Concomitant et voisin d’Aizu, le festival de la neige d’Ouchi-juku, un ancien relais postal de l’époque Edo. Devant de grandes maisons aux toits de chaume s’alignent des lanternes sculptées dans la neige qui scintillent d’un halo évanescent. Isolé dans la montagne, ce village cryogénisé dans le passé s’offre en estampe du Japon d’antan. Tout aussi romantique, le festival Kamakura de Yokote. Les habitants construisent des iglous où ils érigent des autels de glace éclairés de chandelles. Le rituel, vieux de cinq siècles, célèbre à coups d’offrandes les divinités de l’eau.

Photographe : Jean-Baptiste Rabouan