Téhéran – Le shah botté

C’est un matin d’hiver à Shemiran, le district le plus au nord de la capitale. Farid m’a donné rendez-vous devant les grilles du palais de Sa’dabad. Cette magnifique propriété fut la dernière demeure du Shah d’Iran avant son exil en 1979 et la chute de la monarchie des Pahlavi. C’est un lieu très prisé des Téhéranais, car il y règne une grande quiétude, loin du tumulte de la ville. Sa’dabad compte 180 hectares de forêt, des salles d’expositions, des pavillons d’arts et un café. On est ici hors du temps, en balade dans le passé, à l’époque où l’Iran était ouvert sur l’Europe et le monde. Les choses ont bien changé depuis. « Je tenais à te montrer un symbole important », me confie mon ami tandis que nous gravissons les escaliers enneigés qui conduisent à l’ancien pavillon royal. « Après la Révolution, le régime des mollahs a voulu faire table rase du passé. Ils ont changé le nom des villes, des rues, des institutions publiques… gommant ainsi toute référence à l’ancien pouvoir monarchique. » Farid me désigne du doigt une statue, ou plutôt ce qu’il en reste. « Et voici leur plus bel outrage : les bottes du Shah. Ils ont scié le corps du souverain, mais ont conservé ses jambes. C’est de l’arrogance comme seuls les “turbans” en ont le secret. Ces maudites bottes nous rappellent chaque jour que la révolution nous a amputés d’une partie de nous-mêmes.»

Photographe : Jeremy Suyker
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Jeremy Suyker
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