Chine – En descendant le Yang Tse

« Le Yang Tsé Kiang n’est pas un fleuve, c’est une avenue… Une avenue d’cinq mille kilomètres qui dégringole du Tibet pour finir dans la Mer Jaune… » Gabin dans Un singe en hiver avait vu juste : ce cours d’eau magistral est une véritable artère qui irrigue tout l’intérieur du pays. Le temps d’une croisière à travers la région des Trois Gorges, on s’aperçoit que la Chine continue d’y écrire les plus belles pages de son histoire.

On sait que les Chinois aiment faire les choses en grand, mais là, tout de même… Avec ses 33 millions d’habitants et la superficie de l’Autriche, la municipalité de Chonghing ferait passer Paris intra-muros et ses deux millions de péquenauds pour une sous-préfecture du Bas-Limousin. Créée dans les années 1990 pour devenir le nouveau pôle économique de la Chine intérieure, cette mégapole était aussi destinée à accueillir une bonne partie des un à deux millions de personnes déplacées par la construction du barrage des Trois-Gorges – encore un bel exemple de folie des grandeurs. Chonghing a au moins l’élégance de s’envelopper d’une épaisse écharpe de brume aux tons lait de soja la moitié de l’année. Il paraît que les chiens aboient quand ils voient le soleil tant le phénomène les surprend. Dans ce brouillard qui passe tout à l’estompe, le promeneur, perdu comme un ver dans la farine, s’interroge s’il s’agit d’humidité en suspension, de poussières de charbon ou de volutes de gaz d’échappement. Sous prétexte qu’elle était encore « pays émergent », la Chine n’a pas eu à signer le Protocole de Kyoto en 1997. Alors tant pis pour les bronches qui font ce qu’elles peuvent. Au moins, avec 180 jours de brume par an, les dames gardent-elles la peau claire et lisse. Ce teint d’endive poussée à l’ombre leur assure la réputation de faire moins que leur âge. Tandis que le bateau de croisière Yangzi Explorer s’extirpe à grand peine de cette mélasse, une poignée de grand-mères indomptables exécutent sur le pont d’observation un ballet aux figures mystérieuses sous la conduite du médecin de bord : on se tapote gentiment les fesses puis les cuisses, avant de se masser vigoureusement à deux mains le genou puis les globes oculaires. Sans le ronflement des moteurs, on entendrait probablement les jointures craquer. Le Tai Qi et la kyrielle d’arts martiaux dits «doux», s’inspirent directement des préceptes taoïstes. Toutes ces activités, auxquelles la Chine du troisième âge s’adonne sans compter dès potron-minet visent à atteindre la pleine maîtrise de soi et retrouver une vraie communion avec l’univers. (…) Lire la suite dans AR31

Photographe : Christophe Migeon
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Christophe Migeon
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