Les âmes mortes
Un film de Wang Bing
Wang Bing n’en finit pas d’ausculter le passé et le présent d’une société chinoise en perpétuelle évolution. Cette fois, son regard acéré s’est tourné vers des camps de rééducation installés dans le désert de Gobi, dans la province de Gansu, au nord-ouest de la Chine, ceux de Mingshui et Jiabangou notamment.
C’est là qu’à la fin des années 50 furent envoyés tous ceux qui avaient cru que les bouches pouvaient s’ouvrir et exprimer sans détour leur opinion sur la révolution communiste et son chef, le président Mao. Mais ce dernier referma bien vite sur eux le piège ainsi tendu et ils furent considérés comme des éléments d’extrême droite capables de nuire au régime. Il convenait donc de les regrouper et de les enfermer.
À travers de très nombreux témoignages, mais également des images de ce qui reste de ces camps aujourd’hui, Wang Bing retrace le destin de ces déportés contraints dès leur arrivée sur place de construire eux-mêmes leur prison inexistante jusque-là ! À la manière d’un Claude Lanzmann ou d’un Rithy Panh, le cinéaste chinois retrace la vie quotidienne grâce à la parole des rares survivants. Et c’est l’effroi qui saisit alors le spectateur en écoutant les récits entrecroisés de ces rescapés d’un enfer programmé. Pas d’habitations dignes de ce nom donc, mais également pas de nourriture ou presque pour ces exilés, la plupart des intellectuels inaptes à s’intégrer à ce retour à une vie presque sauvage.
Ce dernier mot n’est pas trop fort, car les témoignages s’accordent à évoquer le recours in fine à l’anthropophagie, voire à la nécrophagie… Ce que viennent confirmer à leur manière des images actuelles des anciens camps encore parsemés d’ossements humains : les vivants ne pouvaient enterrer les morts… N’était son utilisation par trop galvaudée, on serait tenté de parler ici de « devoir de mémoire ». Peu importent les mots, ce qui compte c’est la démarche admirable d’un cinéaste bien décidé à regarder son pays droit dans les yeux, quitte à troubler ses spectateurs au plus profond de leur humanité.
Sortie le 24 octobre
Cold War
Pawel Pawlikowski
Pologne
Prix de la mise en scène lors du Festival de Cannes cette année, le nouveau film du réalisateur polonais Pawel Pawlikovski, auteur notamment du remarquable « Ida » en 2013, raconte l’histoire d’un amour impossible durant la Guerre froide, entre un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée, entre la Pologne stalinienne des années 50 et le Paris bohème de Saint-Germain-des-Prés. Format presque carré, images en noir et blanc, le cinéaste polonais multiplie les prouesses artistiques au service d’un propos nettement mélancolique.
Sortie le 24 octobre
Rafiki
Wanuri Kahiu
Kenya
« Réaliser un film sur deux femmes amoureuses au Kenya revient à bousculer le cynisme profondément ancré dans la société concernant l’homosexualité à la fois auprès des acteurs, de l’équipe, de mes amis et de ma famille. » C’est ainsi que la réalisatrice résume son salutaire propos au sujet d’un film qui est par ailleurs le premier film kenyan à a voir été sélectionné au Festival de Cannes.