Notre sélection cinéma pour le mois d'août - A/R Magazine voyageur 2018

Notre sélection cinéma pour le mois d’août

Le poirier sauvage – Turquie

Reparti hélas bredouille du dernier Festival de Cannes, le nouveau film du cinéaste turc Nuri Bilge Celan qui avait obtenu la Palme d’Or en 2014 avec Winter sleep démontre une fois de plus la virtuosité d’un cinéaste véritablement au sommet de son art. Sinan vient de terminer ses études, mais il hésite entre une carrière d’enseignant et une entrée dans le monde littéraire à travers un premier roman. Or, d’un côté la concurrence est très rude pour devenir professeur et de l’autre, nul éditeur ne semble intéressé par son manuscrit. Ses développements sur la culture populaire de sa région ou sur la beauté d’un arbre noueux appelé le « poirier sauvage » (lequel donne son titre au film), nul ne veut les lire et a fortiori les éditer. Se profile alors à l’horizon un service militaire redouté auquel il semble malgré tout se résigner.

Le poirier sauvage - A/R Magazine voyageur 2018

Le film relate alors le retour au village de ce jeune homme terriblement indécis qu’on dirait tout droit sorti d’un roman de Stendhal ou de Tolstoï. Il y multiplie les rencontres et le récit de formation peut alors se déployer avec une amplitude que le cinéaste revendique. Un jour, il croise une jeune fille qui s’apprête à renoncer à la vie dont elle rêvait. Un autre, il discute avec un ami devenu policier et qui trouve dans la répression dont il a la charge, l’exutoire qui lui fait oublier sa condition misérable. Un troisième jour, c’est au tour d’un imam avec lequel il discute de l’infaillibilité du Coran au cours d’une promenade aussi sinueuse que les enjeux spirituels dont il est question entre les deux hommes…

Mais la confrontation centrale se situe avec un père dans lequel jadis il pouvait se projeter et qui n’est devenu que l’ombre de lui-même : effrayant miroir à venir dans lequel le fils s’observe avec effroi. Il y a alors comme une immense mélancolie qui s’empare de tout. Peut-être la certitude que tout est déjà perdu et que le fils deviendra comme son père qui a perdu son honneur à force de mensonges et de compromis. Terrible tableau d’une Turquie bien différente de celle des images officielles d’Ankara. À travers des plans d’une beauté parfois stupéfiante, Celan livrait ainsi le plus beau film de la compétition cannoise. Le plus douloureux aussi. Et c’est peut-être ce qui l’aura desservi : les chants les plus beaux sont les plus désespérés, on sait cela depuis Musset, mais alors ils ne sont pas, tant s’en faut, les plus aimables.

Un film de Nuri Bilge Celan  – Sortie : 8 août

Burning de Lee Chang-dong – Corée du Sud

Autre grand oublié du palmarès cannois, ce film du cinéaste coréen Lee Chang-dong aura pourtant marqué les esprits de nombreux festivaliers absolument séduits par cette adaptation brillante et inspirée d’un roman du Japonais Murakami. Avec un art consommé de l’illusion cinématographique, le cinéaste multiplie les fausses pistes narratives pour le plus grand plaisir d’un spectateur sollicité en permanence. Le tout magnifiquement filmé et interprété.

Un film de Lee Chang-dong – Sortie : 5 septembre

Burning de Lee Chang-dong - A/R Magazine voyageur 2018

Sofia de Meryem Benm’Barek – Maroc

À partir d’un événement ordinaire (l’accouchement hors mariage d’une jeune femme dans le Maroc d’aujourd’hui), la réalisatrice franco-marocaine livre un saisissant portrait de cette société marocaine. Violence sociale et violence sexiste sont dans la ligne de mire d’un film sans concession qui décrit avec brio les rouages d’un ordre patriarcal aussi étouffant que sans complexe.

Un film de Meryem Benm’Barek – Sortie : 5 septembre

Sofia de Meryem Benm’Barek - A/R Magazine voyageur 2018

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Écrit par
Laurent Delmas
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