Manset. Ne pas l’appeler Gérard, il déteste son prénom. Donc Manset, le mystérieux, l’insaisissable, qui n’a jamais chanté sur scène, qui fuit les médias, qui se délecte de son anonymat cultivé au cours d’une carrière jalonnée par 19 albums a beaucoup voyagé en solitaire, fidèle en cela à l’une des plus célèbres de ses chansons. Il n’imagine d’ailleurs pas d’autres façons de voyager, car au-delà d’une personne, l’expérience s’évente. Il a donc beaucoup voyagé en prenant son temps et en a profité notamment pour s’adonner à la photographie. Toujours en argentique avec des Kodachrome et un Nikon FG. Surtout ne pas lui parler de pixels qui symbolisent un monde nouveau qu’il abhorre. Les paroles des chansons qui accompagnent les photos ainsi que les textes écrits pour l’occasion sont d’une noirceur absolue. « Rien n’est plus de ce qui fut jadis aimé », les Kodachromes notamment ont disparu, le vingtième siècle n’est qu’un «jardin maudit ». Pourquoi ce titre alors ? Le soleil brille peu pour Manset en général. Et il ne brille pas tant que ça dans le livre. Combien de chambres d’hôtel spartiates à l’éclairage blafard ? Peut-être trop. Combien de toiles cirées avec posé dessus un simple repas ? Peut-être trop. Combien de ciels sales ? Toute l’innocence des enfants d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique centrale n’y changera rien. Et l’on s’étonne de voir autant d’autoportraits du maître de l’éclipse. Et l’incognito alors ? Reste que le voyage en Mansétie est captivant. Il comblera les admirateurs et devrait inciter les profanes à découvrir l’œuvre exigeante, nourrie par tant de périples et qui ne ressemble à nulle autre. (…)
Journées ensoleillées
Editions Favre.