Entretien avec Joe Boyd - A/R Magazine voyageur 2018

Quand Joe Boyd se passionne pour l’Albanie

Comment avez-vous découvert la musique albanaise ?

Joe Boyd : j’ai des disques de musique albanaise depuis longtemps. En 2014, Lucy Duran, l’une des éminences grises de la « world music » en Angleterre, m’a invité à aller en Albanie avec elle pour une soirée sur une plage du sud du pays, au bord de la mer. J’y ai rencontré deux femmes : Edit Pula, qui a aidée Lucy à produire trois programmes pour la BBC, et Andrea Goertler, une Allemande qui a travaillé pendant des années dans ce pays et aime passionnément sa musique.

Comment avez-vous procédé pour cet enregistrement ?

J.B : Andrea et moi, nous nous sommes fiancés et je commence donc à passer pas mal de temps à Tirana. Un ami londonien, programmateur pour le Centre d’Art du Barbican, nous a suggéré de créer un groupe qu’il pourrait inviter. Il nous a semblé évident que le style « saze » serait le plus accessible à une audience étrangère. Nous avons consulté Vasil Tolle, membre de l’Académie des Sciences de Tirana et expert en polyphonie albanaise (dont le saze fait partie). Andrea a lancé une campagne de crowdfunding pour financer l’opération et mes amis du monde du rock ont été très généreux. Nous avons enregistré ce disque en trois jours, dans une salle de projection de l’école de cinéma, située dans de vieux édifices des années Enver Hoxha [NDA : dictateur au pouvoir de 1945 à 1985].

Comment expliquez-vous l’émotion qui se dégage de ces chansons ?

J.B : les Albanais forment un peuple en apparence calme, mais aux émotions profondes. Le saze est la forme « moderne » — elle remonte à la fin du XIXe siècle – de l’une de leurs plus anciennes musiques. Pour moi, la force de cette musique vient du fait qu’elle n’est pas « post-moderne ». Ces musiciens et chanteurs ont commencé au cours des années où leur pays était fermé et ils ont continué à jouer ensuite, souvent sans être payés. Il n’y a pas eu en Albanie une bourgeoisie qui a redécouvert le saze ; cette musique existe, simplement.

Si nous nous rendons à Tirana, avons-nous réellement une chance d’entendre quelque chose de comparable ?

J.B : cela semble très difficile. Le saze est plutôt une musique jouée dans le sud, dans des villes comme Korçë, Përmet ou Leskovic, mais, même là, il n’y a que dans les mariages qu’on écoute une musique pareille. Saz’iso « At least, wave your handkerchief at me » (Glitterbeat).

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Écrit par
François Mauger
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