Arrimée par un pont aux côtes du comté de Mayo, la plus grande des îles d’Irlande cultive sa « celtitude » avec bonheur, à l’écart du monde et de sa course vers un avenir radieux. Entre deux bourrasques, l’île d’Achill dévoile son lot de patriarches aimables et d’ovins insolents.
L’Inde a ses vaches sacrées, le Mayo a ses moutons. Achill compte 2 700 humains à l’année, mais au moins dix fois plus d’ovins. Et on ne risque pas de les louper, avec leurs toisons peinturlurées de vert, bleu, rose, jaune fluo, toute la gamme du catalogue Ripolin déclinée en croix, ronds, cercles ou autres signes cabalistiques au gré de l’humeur et de la fantaisie du propriétaire. Ici les éleveurs se prennent pour Picasso et au vu de leur désinvolture à traiter ainsi la laine de leurs bêtes, on se doute bien qu’elles ne sont là que pour finir en gigots.
Exportation des talents d’Achill
Selon ce vénérable vieillard plein d’usage et de raison, la transformation la plus radicale de l’île au cours du siècle passé concerne les habitations. Achill demeure toujours ce petit bout du monde où somnole encore la vieille Irlande mythique, celle des landes fouettées par le vent, celle des pubs au comptoir bien astiqué où d’aimables patriarches à casquette sirotent leur pinte à petites gorgées. Mais si l’île nous est parvenue exempte de tout indécent développement touristique, ses petites maisons basses passées à la chaux ont perdu depuis longtemps leurs pittoresques toits de chaume et ont été remplacées pour la plupart par des pavillons modernes tout confort. Une évolution largement due à l’argent de l’émigration. John est l’un des rares de sa génération à avoir passé toute sa vie à Achill.
À découvrir sur l’île
Keem Bay : l’une des plus jolies plages d’Irlande faite de sable fin, avec peu de courants marins ou de vagues. Entre avril et juillet, grandes chances d’observer des requins-pèlerins depuis la plage.
Le mont Croaghaun : le plus haut sommet de l’île peut se visiter depuis le parking de Keem Bay en longeant les falaises ou bien depuis le petit lac d’Acorrymore. Superbe panorama sur la presqu’île de Mullet au nord, sur le Connemara au sud.
Le village fantôme de Slievemore : au pied de la montagne du même nom, au nord de l’île, les ruines d’environ 80 maisons en pierre sèche sont encore debout et donne un aperçu des rudes conditions vie qui prévalaient au XIXe siècle.
Wild Atlantic Way : ne pas oublier de rouler sur cette fabuleuse route qui longe les côtes d’Irlande entre Derry et Cork sur plus de 2 600 km. Sur Achill, elle dévoile ses plus beaux paysages entre Cloughmore et Dooega. www.thewildatlanticway.com
La tour de Kildavnet : une tour de 1429, située le long du Wild Atlantic Way, très bien conservée, est tout ce qui reste du château de la femme pirate Grace O’Malley qui imposait des taxes aux navires de passage.
Calveys Butcher & Farm store : le seul et le meilleur boucher de l’île. Pour déguster une viande d’agneau qui n’aura brouté que les herbes sauvages de la lande. www.calveysachillmountainlamb.ie
Pratique
Achill est la plus grande des îles d’Irlande (24 km de large et 19 km de long), sur la côte nord-ouest, dans le comté de Mayo, entre les villes de Galway et de Sligo. L’île est habitée depuis 5 000 ans, mais c’est surtout au XVIIe siècle que sa population augmente, suite à l’arrivée massive d’Irlandais chassés de leurs terres par Cromwell. Elle compte aujourd’hui 2 440 habitants. Achill est parfaite pour les amoureux de la nature, les photographes amateurs de paysages dramatiques et décharnés et tous ceux qui cherchent à vivre l’Irlande « authentique ». Elle permet d’avoir un aperçu de la campagne rurale et tranquille, loin des foules, qui rappelle l’Irlande d’autrefois.
Allez-y si
Vous êtes physionomiste et voulez vous essayer à la reconnaissance faciale des brebis, vous aimez l’odeur de la tourbe et le whiskey qui va avec (87 % de l’île sont couverts de tourbe), vous voulez écluser une sirupeuse Guinness dans le pub le plus occidental d’Europe (c’est le Gilty à Dooagh), vous aimeriez randonner au milieu des moutons sans vous faire chiquer les mollets par un patou.
Évitez si
Vous voulez pêcher le requin à la dynamite (c’est fini depuis les années 50), vous êtes amateur de balades en forêt (l’île était recouverte de pins écossais il y a 5 000 ans, mais il n’y a plus que les souches), vous n’aimez pas la viande d’agneau (dommage, car celui d’Achill qui broute un mixte de plantes marines et de montagne est réputé fort goûteux).
Hébergements
The Bervie : directement sur la plage de Keel avec une vue imprenable sur les Cathedral Cliffs de Minaun, cette ancienne station de gardes-côtes a été transformée en Bed & Breakfast dès 1932 par les grands-parents de l’actuelle propriétaire Elizabeth Barrett. John, son mari, est en cuisine et a fait du Bervie un restaurant de grande réputation. Leur fils donne des cours de surf sur la plage. 14 chambres à partir de 70 € en haute saison petit-déjeuner inclus.
www.bervieachill.com
Ferndale : Jon et Alexander, deux Suisses allemands se sont installés au-dessus de Keel voici bientôt 20 ans et proposent 6 chambres luxueuses décorées chacune selon un thème spécifique avec une grande attention aux détails (Chine médiévale, Rome antique, Empire maya, Nuits arabes, Europe du Moyen-Âge ou Venise du XVIIe siècle). 115 € petit-déjeuner inclus.
www.ferndale-achill.com
Plus d’informations sur : Office de Tourisme irlandais
Photographe : Christophe Migeon