Le Fermanagh est le comté le plus occidental de l’Ulster. Après avoir arpenté la campagne amphibie, tiré la bécasse ou pêché le brochet, on retire ses bottes de caoutchouc à l’entrée d’une mansion du XVIIe siècle pour chausser des mocassins à glands et déguster un whiskey tourbé au coin du feu.
Lorsque depuis Belfast, on prend la route d’Enniskillen sous un ciel lourd de menaces, on découvre des paysages faits de peu ou pas grand-chose, des landes déplumées, humblement soumises aux martèlements des nuées et des prairies au pelage vert qui frissonnent sous les bourrasques. C’est qu’il y en a du vert : du vert émeraude, comme nous disent les guides de voyage, mais aussi du vert olive, du vert épinard, du vert grenouille, des verts trop mûrs et d’autres qui ne demandent qu’à vieillir. Tant de nuances, qu’on pourrait en faire un best-seller. Ça pourrait s’appeler 50 shades of green : Deux-trois fermières aux fesses saupoudrées de taches de rousseur, quelques moutons sado-maso, un gentleman-farmer audacieux et voilà sans doute le succès littéraire de l’été prochain. Pour l’heure, les brebis se contentent d’émailler les prés de leurs chapelets de crottes vernissées.C’est le comté de Fermanagh, au fin fond de l’Ulster.Un pays de crachins butés, où l’on se nourrit de vent atlantique et où on se salue en touchant le bord de sa casquette. (…)
Photographe : Christophe Migeon