Takara, un film à quatre mains
Kohei Igarashi et Damien Manivel
L’un est Japonais, Kohei Igarashi, l’autre est Français, Damien Manivel, tous deux sont cinéastes et nous proposent avec « Takara » un film à quatre mains, hommage assumé et inspiré au minimalisme nippon dans le droit fil du génial Ozu. Takara, c’est le prénom du jeune héros d’un film qui cultive la simplicité et le dénuement comme d’autres n’en finissent pas de multiplier les effets aussi spéciaux que spécieux. Ce petit garçon n’a que six ans, mais il décide de sécher l’école pour fuguer à travers les paysages les plus enneigés du Japon, ceux de la région d’Aomori. À pied, en train en voiture, tout lui est bon pour tenter d’aller montrer à son père un dessin qu’il lui destine et n’a pu lui remettre avant son départ matinal au travail. De la campagne à la petite ville, la distance ne semble guère l’effrayer, même si parfois, une légitime fatigue aidant, un sommeil profond le gagne.
Mais les deux cinéastes ne versent jamais dans la mièvrerie, tenant l’émotion à distance convenable et cultivant avec bonheur une approche parfois documentaire de ce road movie en mode mineur. L’attention qu’ils portent ainsi aux lieux traversés par Takara démontre combien leur propos est d’abord cinématographique. À aucun moment, ils ne cèdent aux sirènes pourtant faciles et tentantes dans ce contexte enfantin, d’un excès d’attendrissement ou d’un exercice de cruauté à l’égard de ce petit garçon victime potentielle d’un monde adulte dangereux par nature. Le scénario comme la réalisation évitent ces pièges et visent très simplement à accompagner l’enfant dans son parcours enneigé. De ce dépouillement revendiqué haut et fort naît chez le spectateur une émotion qui n’est pas sans rappeler celle suscitée par les films d’Ozu notamment. L’un voulait filmer un enfant, l’autre la neige. On pourrait ainsi résumer la motivation de chacun des deux cinéastes. Il en résulte un propos cohérent, fondé sur une évidente complicité et une savoureuse complémentarité.
Que Takara soit heureux ou mélancolique, angoissé ou insouciant, ce qui prime ici c’est la volonté qu’il exprime tout au long de sa quête. Comme tout un chacun, il se confronte à ses propres limites. Et comme chez Fritz Lang, il pourrait se tourner vers ses deux réalisateurs et leur dire malicieusement : « L’exercice a été profitable, messieurs. » Un grand film modeste.
Takara, un film de Damien Manivel et Kohei Igarashi – Sortie le 2 mai 2018
14 pommes
Midi Z Birmanie
Le nouveau film du surdoué cinéaste birman Midi Z est un documentaire. C’est le premier de cet auteur inspiré qui prend ici le prétexte d’une histoire a priori saugrenue : un homme d’affaires insomniaque entame une retraite en ne mangeant qu’une pomme par jour ! Au-delà se profile une belle réflexion sur la méditation, le silence, le dialogue des cultures. Bref, sous les pommes, un arbre florissant qui nous invite à la découverte…
14 pommes, un film de Midi Z Birmanie – Sortie le 16 mai 2018
Une année polaire
Samuel Collardey
France/Groenland. Pour son quatrième long métrage franchement dépaysant, le cinéaste Samuel Collardey nous entraîne au Groenland. Pour son premier poste d’instituteur, Anders, le Danois, a en effet choisi d’enseigner à Tiniteqilaaq, un hameau de 80 habitants isolé du reste du monde. Mais ici la vie est pour le moins rude. Un bel exercice de découverte de l’altérité en terre inconnue.
Une année polaire, un film de Samuel Collardey – Sortie : 30 mai 2018