Ici je vois
Comme sur une carte postale
Le pont Dom Luis qui s’étale
Les gamins qui plongent dans le Douro
Dans l’espoir de récolter des euros
Pour leurs petits saltos
Je vois
Les mouettes guettant les poissons imprudents
Le drapeau du Portugal fouetté par le vent
Le soleil fondant sur l’Atlantique lointain
Les palmiers dans les jardins Je vois
Une ville en pente
Des maisons jaunes et bleues et rouges
Des toits de tuiles
Des murs griffonnés de fresques
Et deux grues
Je ne vois pas
Les azulejos de ce palais blanc
Ils devraient être plus grands
Je vois une église, deux églises, trois églises, trop d’églises
Et je me dis : pourquoi visiter des monuments
Quand on peut se bourrer la gueule
Avec vue sur une ville posée là depuis
Depuis combien de temps ?
Depuis huit siècles avant le Christ
Je vois
Les enseignes des maisons de Porto
Taylor’s Graham’s Offley Cockburn’s Sandeman Cruz Barros
Et toutes les autres
Si tu prends le téléphérique
On t’offre un verre
Il y a même un funiculaire
Des métros qui passent sur le pont
Des bateaux qui passent sous le pont
J’entends
Tous les Français en vacances
Les milliers de cliquetis des selfies
Je le fais aussi
J’entends
L’air venu du large
Un guitariste venu d’Espagne
Qui joue Here comes the sun
À contretemps
Devant le soleil qui s’effondre
Je lis
Les poèmes de Pessoa sur mon Iphone
Pessoa qui je crois
N’a jamais posé un pied à Porto
Pessoa qui voulait n’être rien ni personne
Et qui littéralement
Était Personne
J’allume
Une cigarette devant la rivière
Le guitariste joue Smoke on the water
Le feu dans le ciel Porto aidant
Le spectacle enivrant
Devient érotique
Quand ses petits tétons pointent
Sous son haut moulant
De touriste asiatique
J’ai envie de baiser
Susurre une femme
Ça tombe bien
C’est ma femme
Le soleil
Est reparti
Je reste encore
Un peu ici
Photo à la UNE : Porto par Tiago Pinheiro – Flickr CC