Longtemps réservé en Europe aux marginaux, le tatouage a désormais pignon sur peau si bien que l’on pourrait bientôt passer pour un marginal à défaut d’arborer sur une partie de son corps un de ces motifs indélébiles. Curieux retournement de l’Histoire qui doit beaucoup aux voyages.
Tu ne (te) tatoueras point. Ce n’est pas écrit tel quel dans l’Ancien Testament ni dans les Évangiles, mais le message est clair : interdiction de se tatouer. Dès lors, le tatouage sert à stigmatiser criminels et prostituées. C’est simple, tout individu tatoué est considéré comme dangereux. Partant à la conquête du monde à partir du XVe siècle, les Européens réalisent avec horreur que l’on se tatoue partout dans le monde. Là où ils peuvent imposer leur domination, ils s’empressent d’éradiquer les pratiques ancestrales à des fins religieuses ou initiatiques en brandissant l’épée et le goupillon. De Polynésie, la capitaine Cook rapporte quand même le mot tatau. Il faut attendre le XIXe siècle pour ne plus voir le tatouage comme une marque infamante quand marins et militaires l’adoptent volontairement pour affirmer leur appartenance à un groupe. Les taulards s’y mettent aussi. Le tatouage commence alors à se faire une belle place dans les marges de la société. En Amérique du Nord, le tatoué devient un phénomène de foire, précisément un phénomène anatomique au même titre que la femme à barbe. Les spectacles ne tardent pas traverser l’Atlantique. À la même époque, les étrangers découvrent au Japon, le tatouage traditionnel qui peut recouvrir tout le corps jusqu’aux poignets et aux chevilles. C’est le début des échanges entre tatoueurs américains, européens et japonais. Le phénomène se développe au cours du XXe siècle. Les tatouages traditionnels de Nouvelle-Zélande, des Marquises, de Tahiti et d’Hawaï renaissent. Une culture mondialisée se développe, le tatouage acquiert ses lettres de noblesse, les tatoueurs accèdent au rang d’artistes. C’est la folie du tatouage. Un Français sur dix est tatoué, un sur cinq chez les 25-34 ans*, ça va être dur d’y échapper.
*Ifop 2010
Tatoueurs, Tatoués
Du 6 mai au 18 octobre