La montagne magique

Sud-Tyrol / Italie

Au nord de l’Italie, à la frontière avec l’Autriche, se niche la région du Sud-Tyrol où cités et montagnes portent chacune deux noms, l’un allemand, l’autre italien. Mais quand on y parle montagnes, on n’admire que les siennes, les plus belles du monde notamment les Dolomites.

Mythiques Dolomites

De grands espaces gentiment vallonnés, nappés de neige épaisse avec pour faire joli au bord de l’horizon des extravagances rocheuses aux pointes aiguisées où viennent se piquer quelques nuages étourdis. C’est le décor grandiose de l’Alpe de Siusi, le plus haut et le plus vaste alpage d’Europe (de 1 800 m à 2 950 m).

Plus loin les farouches sommets  du massif du Sassolongo autour des 3000 m ont la fierté d’appartenir à la chaîne de montagnes des Dolomites dont l’extrême raideur et le teint pâle sont dignes d’un lord anglais dressé dans une austère public school et blanchi sous le brouillard d’outre-Manche. En la découvrant, Le Corbusier a décrété qu’il s’agissait de la plus belle architecture du monde, architecture naturelle a-t-il précisé, façon de se placer hors concours. Quant à l’Unesco, jamais en reste d’une promotion, elle a inscrit les Dolomites sur la liste du Patrimoine mondial en 2009 et elle a eu mille fois raison.

 Le seigneur des eaux-de-vie

Au pied du colossal massif du Sciliar (Schlern) dont les falaises semblent avoir été tranchées d’un coup brutal de hachoir par quelque dieu énervé de l’Olympe tyrolien et au voisinage de l’église Saint-Valentin si gracieuse et en même temps si frêle parmi ce paysage monumental, Florian Rabanser vit heureux en compagnie de son vieil alambic de cuivre. Grâce à lui, l’ancien chef s’adonne depuis une vingtaine d’années à sa passion : la distillerie. Pour cela, il peut aussi compter sur les fruits que lui prodigue en abondance le Sud-Tyrol. Avec les prunes, poires, framboises, abricots, raisins, groseilles, sorbes (fruit du sorbier des oiseleurs), Florian élabore sa gamme d’eaux-de-vie ; avec le genièvre et des herbes des montagnes, il fabrique du gin. Et puisqu’il aime le whisky, il en fait vieillir dans des fûts ayant bercé entre leurs douelles du sherry et du xèrès. C’est la seule entorse à une production qui se veut dans la mesure du possible locale. La dégustation se déroule dans une salle aux murs verdâtres éclairés par une lumière glauque. L’impression de se mouvoir au fond d’un étang décoré par David Lynch. Un poster de Marylin Monroe côtoie un trophée de chevreuil. Sur un autel, un Ganesh de bronze danse joyeusement au milieu d’une poignée de verres à liqueur et de bougies. Comme en outre, le maître des lieux garde sa tête enfouie sous la capuche d’un sweat, on se dit que l’on va participer à quelque cérémonie aussi secrète que suspecte, que l’on va se risquer sur le bizarre. Les inquiétudes sont vite chassées. Florian Rabanser est un magicien. Pas question de repartir d’ici sans un flacon.

Zu Plun. Fiè allo Sciliar. Florian Rabanser connaît tous les secrets de la transmutation des fruits et des herbes en eau-de-vie. Venez goûter les créations surgies de son athanor.

www.zuplun.it

Whisky Puni, un italiano vero

Aux environs de Glorenza (Glurns), petit village de la vallée Venosta (Vinschgau) encadré par les massifs de l’Ortler et de l’Ötztal, le bâtiment ne manque pas d’interloquer. Il s’agit d’un grand cube dont les murs ajourés sont constitués de grosses briques (5500) ocre censées évoquer… la couleur de la tourbe. Ce grand cube, faisant office de résille, enferme un autre cube tout de métal et de verre où est implantée… une distillerie de whisky et sa boutique. L’idée saugrenue de fabriquer du whisky dans ce coin du Sud-Tyrol a germé dans l’esprit d’Albrecht Ebensberger au cours d’un voyage en Écosse. De retour dans ses montagnes, il se lance à fond avec le soutien de sa famille. En 2015, soit cinq ans après les débuts, les premières bouteilles de Puni (nom de la rivière qui traverse Glorenza) étaient présentées. Ainsi est né le premier whisky italien.

Distillerie Puni. Glorenza. Du whisky au fin fond d’une vallée du Sud-Tyrol, ça existe. Étonnant, non ? www.puni.com

Escale gourmande au Flurin

Glorenza, beauté médiévale pelotonnée entre ses remparts. Glorenza et sa tour Flurin érigée au XIIIe siècle. Entre 1800 et 1931, elle servit de prison, connut ensuite quelques vicissitudes avant d’être récupérée en 2018 par la famille Ortler laquelle s’empressa de transformer la patibulaire bâtisse en un chaleureux hôtel où purger une longue peine est vraiment un plaisir. Aux fourneaux, on trouve le jeune Thomas Ortler, tout juste 27 ans. Quand son père lui a proposé de se jeter dans le grand bain, il n’a pas réfléchi longtemps. « J’étais étudiant en histoire d’abord à Vienne puis à Berlin. Là-bas, j’ai pris le virage de la cuisine. J’ai toujours gardé en mémoire le goût des plats de mon enfance que préparaient mes grands-parents et ma mère. Cela m’inspire encore, tout comme mon terroir et les saisons. En hiver, champignons, choux, radis, poires sont à l’honneur. Le cerf, la chèvre aussi. Chaque mois, le menu change pour se tenir au plus près de la nature. À part ça, je veille à toujours m’amuser. »

Flurin. Glorenza. Dans l’écrin médiéval de Glorenza, il fallait disposer un bijou. Thomas Ortler l’a fait. www.flurin.it

La suite dans AR53….

Photographe : Jeremy Suyker 

 

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Écrit par
Michel Fonovich
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