Pour les océans, Lamya Essemlali

Rien ne la prédestinait à devenir militante écolo. Pourtant Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France, s’engage à fond dans la défense des océans. Elle est prête à risquer sa vie pour une baleine. Elle multiplie les campagnes à travers le monde et la France pour lutter contre la surpêche et garder les océans vivants. Cet été, elle s’est mobilisée pour sauver l’orque, le rorqual et le béluga bloqués dans la Seine.

Entretien réalisé par Sandrine Mercier

Es-tu une pirate ?

Oui, dans le sens où je sors des sentiers battus et que je suis une rebelle dans l’âme. Ce sont les détracteurs de Sea Shepherd qui ont commencé à nous traiter de pirates et Paul Watson, le fondateur de l’association, très taquin, a dit: «OK, on va être des pirates au service des océans.»

D’où viens-tu ?

Je suis née dans la banlieue parisienne à Gennevilliers, mes deux parents sont d’origine marocaine. Même si j’ai grandi dans une cité bitumée, j’avais la chance d’aller tous les étés au Maroc en famille. C’est là que j’ai réellement rencontré l’océan Atlantique. Ce sont les plus beaux souvenirs de ma vie. À la maison, on ne parlait pas d’écologie ou de protection des animaux, c’est un chemin que j’ai fait par moi-même.

Comment l’océan est-il entré dans ta vie ?

Au cours de mes séjours au Maroc, j’ai progressivement noué une relation intime avec l’océan. Il était sauvage et mystérieux, mais il me procurait du bien. C’était comme s’il me disait : « le monde est plus vaste que ce que tu crois, il y a un enchantement qui existe et qui est à ta portée. » Plus tard en 2005 ma rencontre avec Paul Watson a été déterminante. Il m’a convaincu que la philosophie pouvait déboucher sur l’action. Enfin, mon tempérament combatif allait pouvoir concrètement changer les choses. Chez Sea Sheperd, on ne se contente pas de contester ou de dénoncer, on agit pour l’océan.

Paul Watson affirme également que si les océans meurent, nous mourrons.

C’est une évidence ! L’océan est le premier organe de régulation du climat, il produit plus de la moitié de l’oxygène que l’on respire et c’est lui qui absorbe le plus de CO2. Il n’y a pas de vie sur terre possible avec un océan mort. On a tendance à l’oublier, mais on vient de l’océan, c’est notre berceau et ça pourrait être notre tombeau donc préserver l’océan est une question de survie pour l’humanité. Même si on est complètement insensible à l’enchantement du monde que procure l’océan, il faut bien se dire que si on n’arrive pas à sauver les baleines par exemple on disparaîtra avec elles. Nos destins sont complètement liés ! Pour être plus précis, on a besoin d’elles, mais elles n’ont pas besoin de nous, une fois encore.

Ta rencontre la plus intense avec un animal marin ?

C’était avec un dauphin ambassadeur en Bretagne. J’ai d’abord eu peur quand il a surgi devant moi, car il devait bien mesurer 3 mètres, puis j’ai vu son regard paisible, bienveillant, et d’un coup, je me suis calmée. En sortant de l’eau, encore sous le choc de l’émotion, j’ai pensé : je peux mourir maintenant, ce n’est pas grave. Ça n’a vraiment rien à voir avec les delphinariums où les animaux sont contraints, où ils tournent comme des automates dans un bassin en béton.

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Écrit par
Sandrine Mercier
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