Fin janvier 2020. Arrivé à Shanghai pour débuter mon voyage d’un mois en Chine, je me retrouve contraint de changer mes plans suite à la propagation inquiétante d’un mystérieux virus. Je décide, alors, de me rendre rapidement dans un pays limitrophe dont je ne connais rien. Du hasard naît un tout autre voyage. Non pas en Chine mais à Taïwan. Et, ne le sachant pas encore, non pas d’un mois mais d’un an.
Dés mon arrivée sur l’île, je ressens comme une altérité familière. L’architecture, les couleurs, la lumière, les sons de la ville, la jungle, les montagnes, l’océan … Tout me happe. Je flaire un formidable condensé de paysages et de cultures.
Un aspect de la capitale Taipai me captive tout particulièrement. La présence de la végétation. Elle habite étonnamment ce tout-humain urbain. Je découvre une mégalopole et un pays où la relation entre sapiens et les autres semble différente de celle dont je suis habituellement témoin. Cette singulière proximité et apparente harmonie m’intriguent, me questionnent.
And ten thousand beings est le résultat d’un travail à la fois rétro et introspectif sur cette expérience intime où les images de Taïwan révèlent une vision métaphorique du monde et des temps que nous vivons caractérisés par un sentiment d’incertitude et une remise en question de nos modes d’être. Le récit devient alors celui d’un voyage plus imaginaire, intérieur, où l’on suit un cheminement de pensées empreint de philosophie taoïste et empruntant à la langue des mythes, questionnant les idées de nature, d’harmonie, de hasard, de progrès et interrogeant la société, l’humain et comment celui-ci s’articule avec le reste du vivant.
Ce “récit” est construit en 5 parties, chacune se focalisant sur différents thèmes de réflexions. Les cinq ensembles ou chapitres sont numérotés en sinogrammes de 零 à 万 , soit de 0 à 10 000. Cette numérotation fait référence au texte 42 du Dao de jing (道德經), ouvrage fondateur de la pensée taoïste. Celui-ci commence par une courte genèse sous forme d’énumération où les chiffres ont une signification particulière et dont ce travail s’approprie quelque peu le sens.
Texte : Charles-Henri Paysan, photographe : Charles-Henri Paysan
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