Attention à bien prononcer Rouyn-Noranda, chef-lieu de la région Abitibi-Temiscamingue. En 1986, Serge Gainsbourg venu présenter son film Stan the flasher au Festival de cinéma international qui s’y tient chaque année, descend de l’avion… en short et chemisette. Il pensait débarquer au Rwanda… Il est possible que l’ouïe de l’artiste ait été légèrement altérée par une consommation excessive de scotch, en tout cas l’anecdote prouve qu’il est important de bien articuler. De la même façon, il est recommandé au touriste impatient de ne pas raccourcir le nom de la région en Abitibi. Ce genre de liberté a le don d’énerver au plus haut point les gens du Temiscamingue. Derrière ces noms à coucher sous les épinettes, il y a au moins 800 ans de présence algonquine, 800 ans de chasse, pêche, campements sous la tente, 800 ans de communion avec une forêt qui ne s’en laisse pas compter. Pendant longtemps les Européens n’ont fait qu’y séjourner en visiteurs, passant d’un poste de traite à l’autre. La colonisation n’a véritablement commencé qu’après la crise de 1929 lorsque, sous l’influence des plans Gordon et Vautrin, des familles entières se voient parachutées en pleine forêt pour défricher des terres souvent impropres à l’agriculture. Leurs descendants parlent encore avec des trémolos dans la voix d’une génération de héros qui faisaient venir des pianos par radeaux pour surmonter les affres de l’isolement. (…)
Photographe : Christophe Migeon